INTERVIEW – Créé en 1976 au Festival d’Avignon, l’opéra de Philip Glass « Einstein on the Beach » avait fait l’effet d’une bombe culturelle avec ses cinq heures de musique non-stop et sa mise en scène par le jeune Bob Wilson. Les deux acolytes, à présent largement reconnus, ont décidé de remonter la même production pour une tournée mondiale qui commence à Montpellier. Rencontre avec le compositeur.
En 1992, vous aviez déjà remonté Einstein on the Beach dans la version originale. Pourquoi le refaire aujourd’hui?
P.G. : Vingt années se sont écoulées et plusieurs générations n’ont pas eu l’occasion de voir cet opéra. Bob Wilson et moi avons respectivement 70 et 74 ans (Philip Glass fêtera ses 75 ans sur la scène de Montpellier, ndlr). Si nous devons le faire une dernière fois, c’est maintenant!
Qu’est-ce qui a changé par rapport à la version de 1976?
P.G. Beaucoup de choses. Bob dispose de nouveaux moyens techniques pour la mise en scène (commandes par ordinateur, lumières, etc.). La technique théâtrale a, elle aussi, formidablement progressé. Il a retrouvé les dessins originaux de 1975-1976 et a pris conscience qu’il pouvait réaliser les choses comme il les rêvait à l’époque. Bob Wilson a profité de cette re-création pour réécrire voire écrire ses indications et ses notes afin que d’autres, plus tard, s’en emparent.
Est-ce aussi vrai pour la musique ?
P.G. Tout à fait. Chaque musique nécessite une certaine technique. Aujourd’hui, les jeunes musiciens qui interprètent ma musique ont acquis la technique nécessaire pour le faire. Ces sonorités, ces rythmes ne sont plus impossibles à réaliser! En écoutant les répétitions, je me suis dit : cela n’a jamais aussi bien sonné! C’est un cadeau énorme qui m’est offert. Nous avons gagné en clarté et en lucidité. En 1976, nous ne faisions que lutter… lutter contre des contraintes physiques et techniques.
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Dans quel esprit avez-vous composé Einstein on the Beach ?
P.G. A cette époque, nous côtoyions des gens de théâtre d’une grande intensité : Peter Brook, Jean-Louis Barrault, les gens du Living Theater de New York, du théâtre progressiste en général. Bob Wilson était un jeune homme ! Nous voulions composer une œuvre de qualité, mêlant le théâtre parlé et le théâtre musical. Nous avons travaillé main dans la main, réalisé la fusion de deux imaginaires, de deux points de vue sur le théâtre au sens large. Einstein on the Beach est né de ce moment très précis de nos vies.
Qu’attendez-vous de cette re-création ?
P.G. Nous sommes curieux, enthousiastes même, de voir comment cette œuvre sera perçue par la jeune génération, qui a entre vingt et trente ans et n’était pas née à l’époque de ce Festival d’Avignon. Cela a d’autant plus d’importance que le théâtre contemporain nous apparaît plus conservateur, plus commercial qu’à cette époque… peut-être pour des raisons financières mais pas seulement. Les jeunes générations ne sont pas dans cette mouvance. Quant à la question de savoir si Einstein on the Beach sera une œuvre qui survivra à notre passage sur terre, c’est impossible à dire. A l’issue de cette tournée, en observant comment des jeunes vont la recevoir, j’aurai peut-être une réponse à cette question, mais pas de réponse définitive, c’est certain!
Du 16 au 18 mars au Corum de Montpellier. 25 à 45€. Net : www.opera-montpellier.com
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