REPORTAGE – L’un des atouts du Festival de Saintes est l’acoustique de l’Abbaye. Enquête.
La clef pour un bon festival commence souvent par un lieu : « Il faut un lieu qui combine une aura, une beauté architecturale et une acoustique exceptionnelle, analyse Sébastien Daucé, le chef baroque qui dirigeait vendredi à Saintes. Ces lieux sont rares : beaucoup de festivals n’ont qu’un seul de ces ingrédients. » L’abbatiale de Saintes possède toutes ces qualités.
D’un point de vue de musicien, son acoustique semble d’un grand confort : « Elle est un peu réverbérante, analyse Sébastien Daucé, mais pas trop… à la différence de beaucoup de bâtiments en pierres. On peut jouer en gros effectif – chœur et orchestre – et avoir un sentiment de plénitude. Avec cinq chanteurs, tout est net. Et l’on peut aussi, comme samedi soir, assister sans rien manquer à un récital de luth (l’ancêtre de la guitare, ndlr). » Comme le plafond en bois, les teintures – même si leur esthétique ne fait pas l’unanimité !- sont un atout pour absorber une réverbération trop forte.
Pour le programmateur aussi, les possibilités offertes par l’abbatiale sont nombreuses. Le directeur artistique du festival de musique de Saintes, Stephan Maciejewski confirme : « Jadis, j’ai chanté dans un maximum de salles. Je sais que l’acoustique de l’abbaye est bonne pour 80% des musiques dites classique. A quoi cela tient ? C’est toujours un peu mystérieux ? L’abbatiale n’est pas étroite comme les églises. Elle n’a pas d’allées collatérales dont les colonnes dispersent le son. Elle a donc une forme de « boite à chaussure », qui est le modèle des grandes salles de concerts dans le monde. J’évite juste une chose : les instruments trop percussifs : une percussion en peau, comme dimanche soir avec l’ensemble Chemirani (des percussions persanes, ndrl), c’est bien. Au piano, mieux vaut éviter de programmer la musique de Bartok ! »
Cet été, un acousticien est venu faire des expériences à l’Abbaye aux Dames. Bergame Periaux est un expert de la prise de son « binaurale », c’est-à-dire en 3D. Il est venu avec un micro spécial, en forme de tête humaine. Eveillant la curiosité des spectateurs, il l’a planté sur scène au concert du Jeune Orchestre de l’Abbaye samedi. « Quand on écoute de la musique en stéréo, c’est le cerveau qui reconstitue les informations relatives à l’espace : un son proche ou lointain, par exemple. Ce n’est pas naturel. Le micro binaural comporte deux micros de chaque côté de la « tête » et deux pavillons moulés à partir de vraies oreilles humaines. » La prise de son multicanal est associée à tout une batterie d’outils informatiques. « On peut ainsi reproduire bien plus fidèlement la réalité, l’espace, nos repères, et donc l’acoustique. »
Fruit de ces expériences, on pourra bientôt visiter la Cité musicale « en réalité augmentée » : muni d’un casque, le visiteur appréciera l’acoustique de l’abbaye… même si elle est vide.
Article paru dans Sud Ouest du 14 juillet 2015.