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Utrecht : la Hollande, l’autre pays de la musique ancienne

2014-01-14 TivoliVredenburg 02 CU2030.nl

COMPTE-RENDU – Utrecht, vous connaissez ? Sans doute le meilleur festival de musique ancienne d’Europe… pardon, du monde ! Classique mais pas has been y était début septembre, accompagnée de France Debès, chroniqueuse bordelaise spécialisée dans la musique classique. Voici leurs impressions.

Si vous suivez ce blog, vous connaissez déjà le Festival de Saintes et son excellente programmation, pour la musique ancienne notamment. En juillet lors du festival, les musiciens comme le public évoquaient souvent son frère hollandais, le festival international de musique ancienne d’Utrecht, Festival Oudemuziek Utrecht en V.O. Du 28 août au 6 septembre , dans cette ville de canaux et de brique située à une heure d’Amsterdam,on y retrouve tout ce que l’Europe a de mieux pour la musique ancienne : les ensembles, les instruments, le conférences, etc.

©Ramon-Mosterd
©Ramon-Mosterd

Le centre névralgique du festival est une salle moderne – TivoliVredenburg – qui a la particularité de compter plusieurs salles dédiées à différents type de musique : un club pour l’electro et le rock, une salle de musique de chambre, une grande salle symphonique, un café et même un pub anglais pour les afters ! Toute l’année, les mélomanes se croisent sans que leurs goûts ne les éloignent. On peut enchaîner un concret classique et une nuit à danser. Pas de clivage… Le temps du festival, tout l’espace est réquisitionné et l’on passe d’une salle à l’autre pour entendre un consort de violes ou une conférence sur la redécouverte de manuscrits musicaux. Et les églises de la ville accueillent également des concerts.

L’édition 2015, concoctée par l’excellent directeur artistique Xavier Vandamme, avait pour fil conducteur la musique anglaise. Chose merveilleuse : toute la ville fête ce répertoire le temps du festival, et l’on ne sera pas surpris(e) d’entendre le carillon de la cathédrale, juché en haut d’une tour de 100 mètres de haut, fierté de la ville, jouer les huit notes du carillon de Big Ben ! Plus sérieusement, on pouvait y découvrir Boughton House, superbe propriété londonienne qui abrite un fond de 550 volumes de musique, collectionnés pendant deux siècles et demi par la famille Montagu. Ralph Montagu, ambassadeur du roi d’Angleterre auprès de notre Louis XIV, s’est pris d’amour pour la musique et la danse à la Cour du roi soleil et a rapporté quelques souvenirs… une première édition d’un opéra de Lully, notamment. Son descendant, John fut l’un des commanditaires des Royal Fireworks de Handel en 1749. Et enfin, quelques années plus tard, le bibliothèque fut enrichie par Elizabeth Montagu, excellente pianiste amateur et bibliophile active, qui s’intéressa particulièrement au chant, aux mélodies et aux opéras du milieu du XVIIIe siècle. Les musicologues ont répertorié 2500 mélodies…

Lundi 31 août : Vox Luminis is rich
La grande salle accueille donc ce soir-la deux ensembles : les instrumentistes de La Fenice dirigés par Jean Tubery et les chanteurs de Vox Luminis. Ce ensemble franco-belge (lire leur portrait réalisé en 2011) était en résidence à Utrecht et à ce titre se produisait presque tous les jours, pour des petites interventions comme pour de grands concerts. Leur qualité remarquable, mainte fois vantée dans ces pages, s’est confirmée au fil des jours. Si leur répertoire de prédilection est la musique allemande du XVIIe siècle (Scheidt et les Bach, etc.), ils n’ont pas eu à rougir de leur passage à la langue anglaise, loin de là !  Ce mardi soir, ils offraient un « King Arthur » réjouissant, montrant combien ces chanteurs habitués à chanter ensemble et a capella, étaient aussi bons en solistes. Leur articulation est parfaite – d’autant que deux d’entre eux sont britanniques ! – et résiste à la direction nerveuse de Jean Tubery qui opte pour des tempi parfois saisissants et parfois absolument incongrus : l’air du froid, tube parmi les tubes de Purcell, est presque méconnaissable tant l’hiver passe comme une bourrasque ! Bien qu’ils offraient une version de concert de cet opéra de Purcell, les chanteurs ont chacun à leur manière, ajouté un jeu théâtral sympathique… allant même à ouvrir des bières sur scène au moment de chanter l’air à boire ! Il se murmure que les Vox Luminis pourraient venir donner cette œuvre en France. Lionel Meunier, son chef, nous a promis d’utiliser du vin à la place ! (S.G.)

Mardi 1er septembre : les scorpions ont du piquant
Dans une charmante église de briques, devant un orgue blanc du XVIIe siècle splendide, le Scorpio Collectief présentait un éventail de musiques anglaises de l’époque du règne d’Elizabeth première, William Byrd et John Dowland en tête. Un ténor, un luth, deux cornets et trois trombones : voilà un dispositif original ! Il permet de sentir les influences étrangères exercées sur ces compositeurs « typiquement anglais » : l’Italie en tête avec des mélodies riches et parfois dansantes. Pourtant, les textes illustrés dans ce programme évoquent la mort et les pleurs, la nuit et l’éternel sommeil. Déjouant les difficultés techniques dues aux instruments à vent anciens, les Scorpio Collectief et l’excellent ténor Reinoud Van Machelen, parviennent à nous tirer des larmes. (S.G.)

Mercredi 2 septembre : Vox Luminis aeternam
Dans l’église Saint-Pierre (Pieterskerk), vieille d’un millénaire, on nous promet une acoustique formidable. Le chef Paul Van Nevel, expert de la musique ancienne à cappella adore cet endroit, parait-il. « Enfin, je suis à la maison » dit-il chaque année quand il vient donner un concert dans ces lieux. En ce mercredi après-midi on retrouve les Vox Luminis dans un répertoire qui ne leur est pas familier : les Anthems du temps des premiers rois de la dynastie des Tudors : ceux de Thomas Tallis et William Byrd entre autres. Pureté et humilité sont essentiels à l’interprétation de cette musique, qui évoque le pouvoir de la prière, la force de la lumière incarnée par le Christ. Pas question de tomber dans une liturgie benoîte et doucereuse pour autant. Il faut toujours garder l’énergie puissante de l’expérience spirituelle : une gageure dans notre monde déchristianisé. Les Vox Luminis ont-ils la foi ? Qu’importe ! Ils possèdent cet engagement total pour la musique et cette nécessité pour l’harmonie, indispensable à leur vie. (S.G.)

Barokksolistene (c) Marieke Wijntjes

Samedi 5 septembre : Bjarte Eike : Image de la mélancolie mais pas que
Bjarte Eike, violoniste norvégien et sa bande les Barokksolistene n’ont rien d’un ensemble de chambre typiquement baroque. Ils sont innovants et nous embarquent dans un moment excitant et imprévisible. Qu’ils se produisent en concert ou dans un pub, le répertoire qu’ils re-visitent électrise. Rien ne leur échappe de ce que la musique trimballe de sensations dans ses bagages. Bjarte Eike solidement armé de toutes les ficelles du violon, et amplement nourri de tous les répertoires, vogue à vue de Dowland aux chansons traditionnelles du Grand Nord. Que le thème soit sur la mélancolie ou la danse frénétique des pubs irlandais, il bouscule nos critères et nous fait chavirer dans une profonde et subite émotion. Emotion de ce qu’on retrouve, de ce qu’on découvre. Chez lui et par lui, le concert est un rite, une sorte de cérémonial, un embarquement. Dans une église-temple où les plateaux de tasses de café circulent entre les rangs, où les buffets ne cachent par leurs douceurs, un son lointain émis des coulisses distille une note puis deux formant une seconde grinçante, chatouilleuse, résolue illico vers une harmonie plus douce et glissant au travers de mélodies ébauchées pour atterrir au coeur d’une chanson de Holborne. Alternent dès lors improvisations et répertoire ancien pour ce programme sur la mélancolie. Les sept comparses ont un talent hors normes et Berit Norbakken la chanteuse s’insinue avec grâce dans certaines pièces sans jamais faire œuvre de beau chant. Cet habile mélange de chansons traditionnelles de la Renaissance, de lectures de poèmes et d’improvisations crée un climat envoûtant nourri par un bourdon qui relie toutes les pièces . L’attention ne se relâche jamais. La joyeuse bande continue son voyage plus tard dans la nuit dans un pub où claquements de pieds écossais et virtuosité des violons embarquent avec frénésie les buveurs et danseurs. Mais que font-ils ? Dans quel répertoire évoluent-ils ? Bjarte Eike le dit lui-même, c’est de la pop music ancienne. (F.D.)

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