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Voyage en terre polonaise – une immersion Interco

CONCERT- Pour les 100 ans de l’indépendance de la Pologne, 22 concerts de compositeurs contemporains polonais étaient joués le même jour à travers le monde. Un de nos rédacteurs nous raconte son voyage en terre polonaise, avec l’Ensemble Intercontemporain. Embarquement quai 100.

Samedi 10 novembre 2018. Milieu d’après-midi. 11ième arrondissement de Paris. Un téléphone sombre active son vibreur qui répercute la superposition d’ondes à la table en verre polie sur laquelle il est posé. D’ondes en ondes, de vibrations des matériaux en vibrations de l’air, le propriétaire du téléphone se reveille, pousse un murmure puis un gémissement marquant le passage de la frustrante extase du rêve inconscient à l’assujetissement des illusions du monde réel.

– Sofiane ?
– Oh, je te reveille, Yannick ?
– Pas grave.
– Que fais-tu demain soir ? J’aimerais te présenter Andrej Kwiecinski, un compositeur polonais. L’Interco joue une de ses oeuvres au Carreau du Temple pour le centenaire de l’indépendance de la Pologne. Je lui demande une place ?
– Top ! Je viens. Merci Sofiance. A demain.

Derrière ce dialogue, d’une banalité confondante pour un lecteur passionné de Czeslaw Milosz, se cache une grande amitié entre Yannick et Sofiane. Car, avouons-le, même s’il écrit pour Classiquemaispashasbeen, Yannick n’a pas accepté ce rendez-vous pour écouter L’Ensemble intercontemporain. Le conservatoire ne l’a pas formé à la musique que cette formation joue. Et ce n’est pas sa pitoyable analyse du Marteau sans maître de Boulez pour l’option musique au bac, préparée dans un lycée sans prof de musique, qui aurait pu l’inciter à s‘intéresser au contemporain.

Dimanche 11 novembre 2018. Carreau du Temple. Après 20 minutes de concert. Un violoncelle éclatant vibre sous les assauts de phalanges, de poings et d’un archet utilisé à tout – et parfois sans – crin. D’ondes en ondes, de vibrations des matériaux en vibrations de l’air, Yannick pousse un murmure puis un gémissement marquant le passage de l’insipide rêve conscient luttant contre l’ennui à l’extatique montée de cette émotion qui le prend parfois sans prévenir dans une salle de concert. Mais que se passe-t-il donc ?

Au début du concert, lorsque trois musiciens avaient joué Genesis I: Elementi, op. 19 n°1 d’Henryk Mikołaj Górecki, Yannick s’était interrogé : avait-on caché des agneaux, que l’on égorgeait rituellement à l’insu des spectateurs ? Inquiet, il s’était tourné vers Sofiane, pour le calmer. Mais celui-ci l’avait alors rassuré : les sons provenaient bien des instruments. Ouf ! Car, bien que musicologue, Sofiane est également vegan convaincu, et Yannick n’aime pas le voir attristé contre la maltraitance animale, surtout en concert. Tout au long de cette pièce, Yannick n’avait pu distinguer ni les notes ni les harmonies jouées. En revanche, la structure, le temps musical lui avaient paru ultra-classiques. Bref, il était passé à côté de l’oeuvre.

Pourquoi est-il désormais transporté par no. 27 d’Andrzej Kwieciński ? Est-ce son oreille qui s’habitue ? Est-ce le compositeur, plus à son goût ? Il ne sait pas. Et présentement, peu lui importe. Il se laisse aller, et il essaiera de comprendre, plus tard. Tout s’enchaîne alors, avec la même émotion, d’Agata Zubel à Karol Szymanowski, seul compositeur que Yannick connaissait avant d’entrer dans la salle.

Lundi 12 novembre 2018. 21H01. Yannick écrit sur le concert de la veille. Séverine, sa rédac-chef, lui a fait cette proposition en entendant son enthousiasme au téléphone. Il a accepté, à condition de ne pas écrire un article classique : il ne se sent pas légitime sur cette musique. Yannick s’auto-hypnotise en parlant de lui-même à la troisième personne et en tapotant durement sur le plastique vibrant de son ordinateur sombre. D’ondes en ondes, de vibrations des matériaux en vibrations de l’air, Yannick exhale un soupir mélancolique, en rêvant des musiciens de l’Orchestre Intercontemporain dirigé par Mehdi Lougraida et de la brillante soprano Hélène Walter.

 

Pologne 100 – Ensemble Intercontemporain – Carreau du Temple, Paris – 11 novembre 2018

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