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Deux disques qui font bouger les lignes

CDs – Du Beethoven à la mandoline ? Un Schubert aux sonorités jazz et yiddish ? Deux très beaux disques – disponibles en ligne – viennent bousculer nos certitudes et nous rappeler qu’il y a du charme à se laisser surprendre.

Récemment, notre chroniqueur Yannick Foratier nous faisait découvrir, dans sa playlist, Luciano Pavarotti chantant une mélodie de Beethoven … en italien ! A priori, le mariage de la carpe et du lapin. Mais au final, un Pavarotti sensible et fin, dans l’émotion plus que dans la démonstration.

Il en va de même avec deux disques parus avant le confinement mais écoutables et téléchargeables sur les plates-formes de streaming : Beethoven Suites, par Julien Martineau (mandoline) et Vanessa Benelli-Mosell (piano), et Un voyage d’hiver, par Noëmi Waysfeld (chant) et Guillaume de Chassy (piano). Dans les deux cas, la recherche d’une expression juste, loin des clichés habituels.

Ce qui suppose un réel engagement des artistes. Le mandoliniste Julien Martineau connaissait ces pièces de jeunesses de Beethoven, composées en 1796. Extrêmement délicates, elles sont difficiles à jouer, et peu d’instrumentistes osent relever le défi. Elles ne tombent pas sous les doigts, et tout se fait dans la douceur de l’attaque, dans l’intimité du son. La mandoline, habituellement virtuose et démonstrative, doit se faire ici fine et précise, tout comme le piano d’ailleurs. On est loin du Concerto de l’Empereur !

Étonnant n’est-ce pas ? Aurait-on pensé à associer le solide Beethoven avec la frêle mandoline ? L’harmonie riche et pleine avec de fins trémolos tout droit sortis du Parrain ? Et pourtant, le rhénan connaissait bien cet instrument, grâce notamment à deux personnes.

Un de ses meilleurs amis était un certain Wenzel Krumpholz. Violoniste de l’Orchestre de l’Opéra de Vienne, il pratiquait la mandoline … en violon d’Ingres, et a certainement contribué à l’intérêt de Beethoven pour cet instrument. La comtesse Josephine von Clary, élève de Beethoven et dédicataire de ces pièces, en jouait également, et la tendre affection que notre Ludwig lui portait n’y est sans doute pas étrangère non plus…

Si on ne retrouve pas dans ces morceaux de jeunesse le souffle de son grand répertoire orchestral, la douceur qui s’en dégage, grâce aussi à la virtuosité maîtrisée et aux réglages fins de nos deux interprètes, nous montre que Beethoven sait se faire intime et tendre. Quant à la précision frissonnante des trémolos de Julien Martineau, elle nous fait fondre …

Figurent également dans ce disque Beethoven Suites une sonate de Hummel, contemporain de Beethoven, un rondeau de Fritz Kreizler, champion de la transcription un peu pastiche, une jolie adaptation, par le jeune Corentin Apparailly, de la Lettre à l’immortelle bien-aimée, dédiée à Josephine von Clary (voir plus haut …) et une pièce alternative de Walter Murphy, A Fifth of Beethoven, extrait de la BO de Saturday Night Fever.

A voir également … l’Interview perchée© de Julien Martineau

Un Schubert désacralisé

Nous vous parlions plus haut de l’engagement des artistes. Il en faut, à la chanteuse Noëmi Waysfeld et au pianiste Guillaume de Chassy, pour proposer une vision si personnelle et originale du Voyage d’hiver de Schubert. Ce cycle de Lieder est un peu le Graal du répertoire chant/piano, et peu nombreux sont ceux qui prétendent le graver au disque. Il faut dire que passer après le ténor Dietrich Fischer-Diskau paraît infaisable, tant il a fixé – semble-t-il pour l’éternité – la diction et les inflexions de chaque syllabe de ce marathon musical :

La chanteuse de l’exil, comme elle se qualifie joliment, Noëmi Waysfeld, et le pianiste de jazz Guillaume de Chassy s’y sont pourtant employés. À eux deux ils proposent leur propre Voyage d’hiver, qui reprend 13 des 24 Lieder initiaux. À l’écoute de leur disque on se dit que c’était plus fort qu’eux, qu’il fallait que leur vision de ce cycle initiatique s’exprime au grand jour, et que c’est tant mieux.

On est d’abord fasciné par la voix magnétique de Noëmi Waysfeld, rauque et mélodieuse. Et quel relief dans sa palette d’expression ! Elle parvient à illustrer chaque once de sensibilité contenue dans le moindre interstice du discours musical :

Et là où Dietrich Fischer-Diskau a gravé dans le marbre, pourrait-on dire, la version officielle, en a figé les contours, la proposition de Noëmi Waysfeld et Guillaume de Chassy est vivante, animée. Toujours en mouvement, en quête, en questionnement, elle vient donner un souffle nouveau à ce cycle pourtant si connu, et qui parle justement d’errance et de quête impossible !

Un souffle qui vient notamment de l’accent avec lequel Noëmi Waysfeld prononce l’allemand. Proche du yiddish, qu’elle connaît intimement, il transforme un allemand livresque et érudit en une langue de tous les jours, avec ses joies et ses tristesses. Cette prononciation un peu « de côté » qui est la sienne désacralise ces Lieder de Schubert pour les mettre à notre portée. C’est vraiment très troublant.

Troublant aussi, l’accompagnement au piano de Guillaume de Chassy. On croit qu’il joue stricto senso la partition, ce qui est sans doute le cas à 90%, mais il se permet de glisser ça et là des petites colorations jazz, des irisations sonores inédites, qui se combinent à merveille avec la voix de Noëmi Waysfeld et contribuent à l’atmosphère étrange et pénétrante de ce disque.

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