AccueilCritiquesLe festival de Saintes testé positif grâce à son Labo 2020

Le festival de Saintes testé positif grâce à son Labo 2020

COMPTE-RENDU – Comme souvent avec les résultats de laboratoire, il aura fallu attendre quelques jours. Quelques jours pour bien juger de la proposition audacieuse du Festival de Saintes – Le Labo 2020 : une édition hybride avec concerts sans public retransmis sur grand écran et en son HD, en direct puis 24 heures après sur les réseaux sociaux. Résultat du test ? Ultra positif !

Les résultats des tests du Labo 2020 montrent que les constantes du festival de Saintes sont toujours aussi hautes : une ambiance chaleureuse, et pas seulement en raison de la chaleur de plomb qui a régné toute la semaine. Sous les magnifiques platanes, on a pu voir les artistes et techniciens manger sur de grandes tables, et échanger, à bonne distance bien sûr, avec d’autres musiciens ou membres du public, allongés dans des transats.

Prise de risque
Deuxième constante : la qualité musicale. Le programme initial ayant été réduit à un concert par jour (pour quatre d’habitude), Le Labo 2020 s’est appuyé sur les fidèles du festival de Saintes, Philippe Herreweghe et l’Orchestre des Champs-Élysées (OCE) en tête. Le chef, qui peut passer une semaine à fignoler un enregistrement de La Passion selon Saint Matthieu de Bach, a dû se résoudre à laisser à la postérité deux symphonies de Beethoven, la 5e et la 7e, captées en trois heures ! Le premier élan du célèbre « pom pom pom pomme » (début de la 5e symphonie) fût finalement le meilleur et révéla un OCE en plein forme et d’une grande pertinence dans ce répertoire. Certains se sont alors souvenus que l’OCE fût fondé, il y a presque 30 ans, pour aborder le répertoire classique et romantique ! La suite du festival allait montrer que le premier jet et la prise de risque étaient bien plus intéressants que la minutie d’un concert « idéal ».

Philippe Herreweghe, en communion avec Ludwig, s’est même laissé aller, questionné par l’autrice de ce billet, à évoquer l’isolement créé par sa propre surdité, dans une mini-vidéo diffusée au public… Les festivals sont aussi là pour cela : offrir un espace complice entre spectateurs et musiciens. L’équipe du festival l’a bien compris, qui pousse les artistes à venir saluer à la fin de chaque vidéo. « Comme en vrai », pourrait-on dire.

Équilibre musical
Les Talens Lyriques, le deuxième soir, ont misé sur une captation resserrée, presque en plan séquence ; l’énergie de leurs Quatre Saisons y a gagné. Souvent caché dans la masse des musiciens de l’ensemble baroque, Gilone Gaubert, premier violon, s’est révélée une soliste exceptionnelle dans ce « tube » de Vivaldi. Avec vivacité et précision, elle a su rendre chaque détail de la partition et incarner les didascalies ajoutées par Vivaldi : « La crainte des éclairs et le fier tonnerre, l’essaim furieux des mouches et des taons. » L’équilibre sonore choisi par les techniciens et les musiciens posait le clavecin de Christophe Rousset, le chef des Talens Lyriques, en quasi-partenaire du violon solo. Un parti-pris discutable pour le mélomane mais qui avait l’avantage de rendre l’ensemble très riche musicalement… Un choix pertinent pour les spectateurs en plein air. Le son qui leur était donné, via de grosses enceintes de face et, d’autres de côté, plus petites, avait la couleur si particulière de l’Abbaye aux Dames. Merci aux techniciens de France Musique ! Dommage seulement que la technique n’ait pas permis de tester largement un son « 5.1 », avec spatialisation et haute définition.

Dunford-Rondeau : le summum
Troisième constante, la vidéo, qui s’est révélée être la vitamine sans qui le corps se détraque et perd son énergie. Le cinéaste Sébastien Glas a réalisé des merveilles. Dans un style plutôt classique au début du festival, il a gagné petit à petit en aisance et est parvenu à proposer à chaque programme un traitement artistique de l’image spécifique. ENFIN ! pourrait-on crier, tant les captations de concerts sont souvent plates et sans plus-value. Non seulement il a su exploiter la beauté des lieux (on a ainsi découvert des recoins méconnus du chœur de l’abbaye, dans des éclairages et plans variés), mais il a surtout révélé la profondeur des échanges entre les musiciens : les respirations communes, les regards attentifs, confiants et admiratifs. Avec cette connexion entre les artistes, le réalisateur, aidé d’un précieux conseiller musical, le chef d’orchestre Leo Warynski, montrait une musique en train de se créer. Magique ! Les prestations du Banquet Céleste (tellement chez lui dans les Cantates de Bach !) et de Lucile Richardot/le Kwartet (une voix idéale dans les mélodies françaises, superbement arrangées pour quatuor) étaient, dans cette perspective, formidables…

Le summum fût atteint le 22 juillet, avec le récital clavecin/luth de Jean Rondeau et Thomas Dunford, composé de petites pièces du baroque français, des Barricades mystérieuses de Couperin aux Voix humaines de Marin Marais. Frères de musique et de cœur, ces deux jeunes baroqueux ont montré une décontraction absolue, en T-shirt et espadrilles, alliée à une technique magistrale, dans les œuvres de Forqueray notamment. L’un comme l’autre ornementent comme ils respirent et, grâce aux images du réalisateur Sébastien Glass, le spectateur était à même d’admirer pleinement la toile sonore en train de se tisser sous ses yeux. Tous les mélomanes ayant assisté à un concert de luth ou de clavecin savent qu’il faut tendre l’oreille et renoncer à entendre tous les détails… à moins d’être à deux mètres des instruments. Et justement, là, on y était ! Un régal.

Les résultats de ce Labo 2020 du festival de Saintes sont donc ultra positifs : un pied de nez au climat angoissant, alliant la beauté préservée du monde d’avant à un aperçu de ce que le monde d’après pourra nous offrir de mieux.

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