FESTIVAL – La maison de la célèbre artiste Rosa Bonheur, en Seine-et-Marne, propose jusque fin septembre des concerts ayant l’ambition de faire découvrir des œuvres de compositrices, jouées par une très belle équipe de musiciennes et musiciens classiques de talent. On aime d’avance !
Rosa Bonheur (1822-1899) a connu de son vivant une grande notoriété. La qualité de ses peintures est saluée tant par les amoureux de l’élégance classique que par les romantiques avides d’originalité. La vente de son immense Marché aux chevaux lui permet d’acquérir en son nom (fait rare pour une femme de son époque) le château de By-Thomery en Seine-et-Marne. La demeure léguée, entretenue et valorisée par des femmes est le lieu d’un nouveau festival, décidé à faire entendre la musique de compositrices.

« Avec Lou Brault, la fille de Katherine, la propriétaire du Château, nous discutions depuis longtemps d’un festival dans ce lieu, explique la violoncelliste Héloïse Luzzati, co directrice artistique du festival. Avec la crise du coronavirus, nous avons d’abord repoussé… puis finalement décidé de nous lancer. De grands musiciens étaient libres et enthousiastes : en 48h, la programmation était faite ! »
Depuis le 24 juillet et jusqu’au 20 septembre, la liste de ces artistes a tout en effet pour nous plaire : la pianiste Célia Oneto-Bensaid, le contre-ténor Paul Figuier entendu récemment au festival de Saintes, l’experte de Schumann Dana Ciocarlie, la violoniste Amanda Favier (que nous suivons depuis la guerre !), Quatuor Psophos, le pianiste François-Frédéric Guy, la violoniste Geneviève Laurenceau qui nous donnait récemment sa playlist. Bref, une belle brochette de jeunes artistes prêts à se lancer dans une ambitieuse aventure…
Au programme, peu de Bach ou de Beethoven (tant mieux, on commence à saturer, non ?) mais beaucoup de Louise Farrenc, Ethel Smyth, Camille Pépin, Kaija Saariaho, Lili et Nadia Boulanger, Marie Jaëll… des noms que vous avez croisés dans nos pages mais rarement au concert. Car le festival Rosa Bonheur entend restaurer la réputation des compositrices, ces créatrices qui ont la fâcheuse tendance à passer à la trappe dans l’Histoire de la musique… « Un exemple pour comprendre, nous interpelle Héloïse Luzzati : en 1872, le Dictionnaire Universel dit de Louise Farrenc (68 ans à l’époque) qu’elle a « une place des plus honorable dans l’histoire de la musique française ». Huit ans après sa mort il ne reste plus à son sujet que « professeur du conservatoire » dans le Larousse… » Le week-end de clôture du festival sera dédié à sa musique de chambre.

Les concerts ont lieu dans le jardin magnifique aux arbres séculaires ou dans l’orangerie en cas de pluie. Le public peut s’assoir sur des chaises, par terre sur des cousins ou sur des transats : chacun est libre de vivre son concert comme il veut. Libres aussi sont les oiseaux qui répondent aux musiciens. La liberté bien sûr : il ne peut pas en être autrement d’un festival qui s’inspire d’une femme libre et qui fait entendre la musique de femmes libres comme Ethyl Smith ou Clémence de Grandval, la compositrice que Héloïse Luzzati aime tout particulièrement. « Clémence de Grandval est une compositrice indispensable. Son langage qui ne ressemble à rien d’autre qu’à du Clémence de Grandval ! Amie de Pauline Viardot, elle est un peu plus jeune que Saint-Saëns avec qui elle a beaucoup correspondu et qui semble l’avoir beaucoup soutenue. Ses œuvres ont été éditées : il faut « juste » aller fouiller à la Bibliothèque Nationale de France », soupire la violoncelliste qui avoue que la quête n’est pas aisée.
La co-directrice artistique peut s’appuyer sur l’immense travail qu’a déjà fourni Claire Bodin pour son festival Présences Féminines. « Je suis admiratrice de son travail. Nous avons en commun ce combat pour faire avancer la problématique de l’absence des femmes dans la programmation. 2% des œuvres jouées en France sont composées par des femmes : c’est dramatique et absurde compte-tenu de la quantité de pièces de qualité qui existe. Cela fait 30 ans que je joue du violoncelle et je n’ai jamais eu l’occasion de jouer une œuvre d’une femme. Mais je ne veux pas pencher dans l’autre sens et exclure les compositeurs. » Ainsi entendrons-nous les mélodies croisées de Franz Liszt et Marie Jaëll, deux grands amis, Félix et Fanny Mendelssohn (qui était meilleure que son frère mais ça ne se dit pas) et même deux « révolutionnaires » : Hélène de Montgeroult et Ludwig van Beethoven (eh bien oui, un peu de Beethoven quand même !)
Festival Rosa Bonheur – Un temps pour elles. Du 24 juillet au 20 septembre. Tous les vendredis à 19h et tous les dimanches à 18h. Tarif : de 8 à 22 € (Pass 4 concerts* à 72 €) . Port du masque et 1 mètre de distanciation. Toutes les infos ici : www.chateau-rosa-bonheur.fr/festival/