AccueilCompositeurs.tricesSaxophone : le quatuor Ellipsos fait revivre Fernande Decruck

Saxophone : le quatuor Ellipsos fait revivre Fernande Decruck

DISQUE – Le quatuor Ellipsos consacre un album à l’intégrale des œuvres pour saxophone de la compositrice Fernande Decruck (1896-1954), et sort, presque soixante-dix ans après sa mort, son répertoire de l’ombre.

La découverte des œuvres pour saxophone de Fernande Decruck ressemble au début d’une histoire magique. Des manuscrits de partitions, cachés depuis des décennies dans des boites, retrouvés par hasard dans une maison près de Fontainebleau. La compositrice française, morte en 1954 à l’âge de 57 ans, a laissé derrière elle des dizaines de pièces pour quatuor de saxophones, qui n’ont jamais été jouées de son vivant. Finalement, le quatuor Ellipsos, qui a déchiffré et travaillé ces pièces oubliées, leur consacre un album, à paraître vendredi 19 mars chez NoMad Music. Un travail qui met dans la lumière une compositrice qui aimait jouer avec les mots et les couleurs musicales. 

De la musique typiquement française… pour saxophones

La musique typiquement française de Fernande Decruck nous ouvre les portes d’un monde sonore dans lequel on retrouve des inspirations de Ravel, Debussy ou Fauré. Cette intégrale, qui réunit six quatuor de saxophone, s’apparente à un legs fait aux musiciens et amateurs d’instruments à vent. Le plus long d’entre eux, Saxophonecas, composé de huit études de style et de technique, décortique l’articulation, l’amplitude, les tessitures et le rôle de chaque instrument. Une véritable boîte à outils, qui montre la pleine maitrise de la compositrice pour le saxophone.

Le quatuor Ellipsos a été bien inspiré de graver ces œuvres. Nous avons pu nous entretenir avec ses membres : Paul-Fathi Lacombe (saxophone soprano), Julien Brechet (saxophone alto), Sylvain Jarry (saxophone ténor) et Nicolas Herrouet (saxophone baryton).

Comment avez-vous connu Fernande Decruck ? 

Sylvain Jarry (ténor) Nous étions tous les quatre étudiants au Conservatoire de Paris quand la Sonate pour saxophone et piano de Fernande Decruck est parue chez Billaudot. Il y a deux ans, l’éditeur, chez qui on a une collection, nous a fait déchiffrer La Pavane, sans nous dire ce que c’était. On a été instantanément séduit par son langage. Billaudot nous annonce alors qu’il existe d’autres partitions pour quatuor de saxophones, et là est née l’idée d’enregistrer l’intégrale de ses œuvres et de sortir un album.

Que sait-on de cette compositrice ?

Paul-Fathi Lacombe (soprano) Pas grand chose. Fernande Decruck a été mariée à Maurice Decruck, clarinettiste et saxophoniste à l’orchestre philharmonique de New York, qui est par la suite devenu éditeur. On comprend qu’elle a écrit ces partitions pour son mari ou ses amis. Une écriture ciselée, forte et créative ; on est presque dans le registre du cinéma. Professeure-assistante d’harmonie au Conservatoire de Paris, elle a été la professeur d’Olivier Messiaen. Pourtant, une seule de ses œuvres est connue, la Sonate pour saxophone et piano en ut dièse, qu’elle avait écrite pour Marcel Mule.

Pensez-vous qu’elle soit restée dans l’ombre parce qu’elle était une femme ?

Paul-Fathi Lacombe En tout cas, c’est forcément lié à son histoire familiale. En 1950, elle divorce de son mari et perd l’accès à la publication de ses pièces. Si on ne peut pas affirmer complètement que sa condition de femme l’a empêchée de faire carrière, on ne peut que s’interroger. Encore plus quand on connaît la difficulté qu’ont eu de nombreuses femmes compositrices à se faire une place.

Vous avez fait le choix de la sortie d’un premier extrait de l’album, Pavane, le 8 mars. Qu’est ce que cela représente pour vous ? 

Nicolas Herrouet (baryton) Être artiste, c’est aussi être engagé. A Ellipsos, on a pris comme engagement de se pencher davantage sur le travail des compositrices. Mais pas que : on s’investi dans l’environnement, les droits des enfants…  on travaille avec l’Unicef, la Fondation du souffle pour notre festival (Festival du souffle, consacré essentiellement aux instruments à vent, à l’Abbaye Royale de Celles-sur-Belle NDLR). On cherche des alternatives pour limiter nos voyages en avion etc. Ça nous paraît impossible d’être artiste aujourd’hui sans être engagés dans des causes.

C’est une forme d’engagement aussi de faire découvrir des musiques oubliées.

Découvrir une partition, être les premiers à jouer des morceaux, c’est une chance. Qu’est-ce que ça fait ? 

Paul-Fathi Lacombe Il y a des œuvres comme ça, dont on sait qu’elles vont être des chefs-d’œuvre. C’est très réjouissant pour des musiciens de découvrir une pièce pour la première fois, de se dire qu’on lit de l’or… On imagine déjà les autres quatuors qui vont jouer les musiques de Fernande Decruck. On se dit qu’on plante une petite graine, qui va prendre racine, pour la reconnaissance de sa musique.

Sylvain Jarry En tant qu’interprète, on essaye toujours d’être humble et de rendre hommage aux compositeurs. C’est une émotion et un honneur pour nous de déchiffrer les œuvres de cette femme qui avait toute cette musique dans sa tête et son cœur.

Julien Bréchet (alto) Il y a aussi l’envie de partager ce plaisir qu’on a ressenti à découvrir ce langage. Les œuvres de Fernande Decruck sont des petits bijoux. On parlait juste avant d’engagement : c’est une forme d’engagement aussi de faire découvrir des musiques oubliées.

Pourquoi on aime ?
  • Pour la découverte de ces œuvres nouvelles, qui viennent enrichir le répertoire classique du saxophone
  • Pour les titres des pièces ! Faunesque, Fantasmagorie, Chorale orphéonique, Fuguesque… On y devine une compositrice qui s’inspirait et riait de ses contemporains, comme Fauré ou Debussy
  • Pour Pavane, première pièce de l’album, composée pour le quatuor de saxophone de la Garde républicaine

C’est pour qui ? 
  • Les saxophonistes, cela va sans dire. L’écoute des petites pièces d’études, semblable à une boîte à outils, devrait faire leur bonheur
  • Les amateurs de musique classique aimeront découvrir ces pièces mélancoliques typiquement françaises
  • Les féministes, celles et ceux pour qui la mise à l’ombre d’une femme, à cause de son genre, est une idée insupportable

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