AccueilA la UneRalph Vaughan Williams (1872-1958), La voix de l'Angleterre

Ralph Vaughan Williams (1872-1958), La voix de l’Angleterre

PORTRAIT – Peu connu et peu joué en France, le compositeur britannique Ralph Vaughan Williams (1872-1958) dont nous célébrons le 150e anniversaire de sa naissance, eut une influence majeure sur le destin de la musique anglaise, en lui permettant de renouer avec ses racines populaires et savantes. Portrait d’un compositeur complexe et attachant.

Un enfant de la bourgeoisie éclairée

C’est au cœur de l’Angleterre rurale, dans le comté de Gloucestershire, qu’est né Ralph Vaughan Williams dans une famille bourgeoise, alliée à la famille du célèbre scientifique Charles Darwin. Suite à la mort soudaine à 40 ans de son père Arthur Vaughan Williams, il s’installe, avec sa mère et ses frères et sœurs, Hervey et Maggie, chez ses grands-parents maternels, à Leith Hill Place, une demeure cossue située dans le comté Surrey, à 40 kilomètres au sud-ouest de Londres. C’est là que le jeune Ralph grandit et passe une enfance confortable et paisible. 

Leith Hill Place © RVW Society

Il est fortement influencé par sa famille maternelle, les Wedgwood, des industriels aux sympathies radicales et aux idéaux progressistes. Vaughan Williams forge au sein de cette famille une personnalité anti-conformiste, et il sera toute sa vie engagé dans la société de son temps.

Lire aussi : Lili Boulanger (1893-1918), ou les mystères de la création musicale

Comme musicien, il sera déterminé à populariser la pratique amateur et à ancrer la musique savante dans la vie quotidienne, notamment en encourageant le développement des sociétés chorales. Profondément anti-élitiste, il refuse plusieurs fois d’être anobli, se contentant du titre de Dr. Vaughan William, après sa soutenance de doctorat.

Ralph Vaughan Williams. © © RVW Society
Portrait de l’artiste en jeune homme

C’est avec sa tante Sophie qu’il débute l’apprentissage du piano, un instrument avec lequel il n’a aucune affinité. Et sa carrière n’aurait pu jamais advenir s’il n’avait pas peu après commencé à apprendre le violon, son “salut musical”. A l’âge de 18 ans, après plusieurs années de cours de musique par correspondance, il entre au Royal College of Music. 

Dans cette institution fondée en 1883, Ralph Vaughan Williams reçoit l’enseignement d’Hubert Parry (1848-1918), qui a promu “la renaissance musicale anglaise”, aux côtés de Charles Villiers Stanford (1852-1924) et Arthur Sullivan (1842-1900). Parry a une influence importante sur le jeune homme, et lui transmet l’idée qu’un compositeur doit “écrire la musique que lui dicte sa conscience musicale”. Il le pousse aussi à écrire de la musique chorale, et quand Vaughan Williams entre au prestigieux Trinity College de Cambridge en 1892, il continue à se rendre régulièrement à Londres pour poursuivre sa formation avec son mentor.

Maurice Ravel

Pourtant, c’est grâce à un compositeur français, Maurice Ravel, de trois ans son aîné, que Vaughan Williams trouve sa voix personnelle. Au début du XXe siècle, il a l’idée de traverser la Manche pour y acquérir un “vernis français”. Grâce à Ravel, il apprend à “orchestrer par touches de couleurs plutôt que par lignes” et à “se passer du lourd contrepoint teutonique”.

Après quelques mois aux côtés du compositeur anglais, Vaughan Williams produit un superbe cycle de mélodies, On Wenlock Edge (1908), où l’on entend pour la première fois les prémices de son style personnel. 

Racines populaires et savantes

Selon Vaughan William, “les sources de l’art doivent être dans le sol natal”. C’est grâce à sa rencontre avec Cecil Sharp (1859-1924), un pionnier des folk songs et sa découverte des chansons populaires que Vaughan Williams a cette révélation essentielle au développement de son style que “l’art pour être vital doit refléter la vie la communauté dans son ensemble”. Il se joint aux recherches de Sharp, et à ses côtés, au sein de la Folk Song Society, Vaughan Williams recueille plus de 800 chansons populaires entre 1903 et 1913.

Comme l’explique Marc Vignal dans son ouvrage sur le compositeur : “Pour Vaughan Williams, [le folk song] s’inscrit dans une culture musicale plus vaste et doit être porté à la connaissance du plus grand nombre, au bénéfice de la cohésion nationale.” Dans sa musique, Vaughan Williams a recours au folk song, mais “rarement dans leur intégralité”, plutôt par “bribes” ou pour en “recréer l’atmosphère” en l’intégrant à son langage personnel, comme dans In the Fen Country (1904).

En 1910, la Fantaisie sur un thème de Thomas Tallis fait découvrir aux mélomanes britanniques un passé oublié, celui de la musique des Tudor. Inspiré par un thème du compositeur de la Renaissance Thomas Tallis (1505-1585), qu’il avait déniché pendant ses deux ans de recherches sur les cantiques pour éditer The English Hymnal, cette œuvre pour double orchestre à corde et quatuor à cordes explore un langage modal et polyphonique ancré dans une tradition musicale, dont les compositeurs britanniques s’étaient détournés depuis des siècles et que Vaughan Williams va faire revivre. 

Ralph Vaughan Williams. © DR
Agnostique mais mystique

Athée dans sa jeunesse, avant de devenir agnostique, Vaughan Wlliams composa cependant un corpus d’œuvres religieuses très riche et varié, car comme l’affirmait le compositeur anglais « on ne voit pas pourquoi un athée ne pourrait pas écrire une belle messe ».

Il composa ainsi de la musique religieuse tout au long de sa carrière, du cycle des Five Mystical Songs (1911) à la cantate de Noël Hodie (1954), en passant par l’oratorio Sancta Civitas (1923–1925) ou A Song of Thanksgiving (Un Chant d’actions de grâces) (1944). Sa Messe en sol mineur (1922) fut la première messe écrite dans un style anglais depuis la Renaissance.

On ne voit pas pourquoi un athée ne pourrait pas écrire une belle messe.

Ralph Vaughan Williams (1872-1958)

Mais l’œuvre qui reflète le plus profondément la quête spirituelle et le mysticisme est sans doute son opéra Pilgrim’s Progress, sur lequel il travaille entre 1906 et 1949. Sous forme de tableaux vivants inspirés par l’allégorie du même nom du prédicateur puritain John Bunyan (1628-1688) et construite sur le modèle des moralités, un genre théâtrale du Moyen Âge, Pilgrim’s Progress est pour Vaughan Williams « un ouvrage de portée universelle, touchant tous ceux en quête de vie spirituelle, qu’ils soient chrétiens, juifs, bouddhistes, shintoïstes ou adventistes ».

Un compositeur face aux deux Guerres mondiales

Dès la déclaration de guerre, le 4 août 1914, Vaughan Williams s’engage dans le Royal Army Medical Corps, alors qu’il est âgé de 42 ans et qu’avec ses pieds plats il aurait pu échapper à la conscription. Mais voilà, il veut servir son pays. Il est affecté au transport des blessés, vit dans l’enfer des tranchées du nord de la France, puis dans les Balkans, avant de devenir officier dans la Royal Garrison Artillery, et d’être démobilisé en février 1919. 

La Première Guerre mondiale le laisse dans un état d’épuisement moral et physique. Bouleversé par les horreurs du conflit et la perte de nombre de ses amis, comme le compositeur George Butterworth, il n’a que de vagues projets et les germes de la symphonie no. 3, La Pastorale (1922), une sombre et lente élégie aux disparus de la guerre.

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, Vaughan Williams est trop âgé pour combattre comme soldat, mais il s’engage à l’arrière, en organisant l’aide aux réfugiés et aux évacués ainsi que des opérations de sauvetage. Il milite pour la libération des musiciens étrangers internés, collecte des fonds, et transforme même des parcelles de terrain de sa propriété en potagers pour participer à l’effort de guerre.

Tout en étant patriote, il n’oublie pas son non-conformisme et son attachement à la liberté, en prenant la défense du jeune compositeur Michael Tippett (1905-1998), lors de son procès comme objecteur de conscience. Cette période tragique a inspiré à Vaughan Williams deux de ses plus belles symphonies, la Symphonie no. 5 en ré majeur (1943), qui sonne comme un appel à la paix et à la beauté, et la Symphonie no. 6 en mi mineur (1948), dissonante, violente et désespérée.

Raffinement savant

Après sa mort, en 1958, quelques mois après avoir terminé sa Symphonie nᵒ 9 en mi mineur, une œuvre énigmatique, puissante, sombre, Ralph Vaughan Williams est inhumé dans l’Abbaye de Westminster, aux côtés de Stanford et Purcell. Laissant une œuvre monumentale, diverse et complexe, sa musique est le reflet de sa personnalité, paradoxale et farouchement indépendante.

Ralph Vaughan Williams a inventé un style musical profondément ancré dans la tradition de son pays, mais sans jamais tomber ni dans le provincialisme, ni dans le nationalisme. Il fut un parfait représentant de l’establishment, tout en étant profondément anti-élitiste. Sa musique est à la fois immédiatement accessible à toutes et tous, et d’un raffinement savant.

Sa musique est le reflet de sa personnalité, paradoxale et farouchement indépendante.

- Espace publicitaire -
Sur le même thème

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

- Espace publicitaire -

Vidêos Classykêo

Articles sponsorisés

Nos coups de cœurs

- Espace publicitaire -

Derniers articles

Newsletter

Twitter

[custom-twitter-feeds]