CONCERT – La Madeleine aux pieds du Christ d’Antonio Caldara est un oratorio singulier, avec des accents d’opéra et de concerto. Un choix original de la Philharmonie de Paris pour un concert de Vendredi saint.

Jouir ou ne pas jouir, telle est la question qui tiraille Marie-Madeleine, hésitant entre l’Amour terrestre et son « plaisir trompeur », et l’Amour céleste et le Christ. La peinture classique nous la montre souvent nue, seulement vêtue de sa chevelure symbole de ses penchants charnels. Le dilemme moral qu’elle traverse, pour passer de pécheresse à repentante, a aussi inspiré des compositeurs comme Marc-Antoine Charpentier qui lui a consacré trois œuvres, Frescobaldi et même Massenet.
Le vénitien Antonio Caldara a fait d’elle le sujet central d’un oratorio composé vers 1698, Maddalena ai Piedi di Cristo. Une partition peu donnée en concert, enregistrée par René Jacobs il y a vingt-cinq ans, lequel est venu la diriger à la Philharmonie de Paris ce vendredi 16 avril, accompagné du Freiburger Barockorchester.
La tension dramatique repose sur la joute entre l’Amour terrestre (la contralto Helena Rosker) et l’Amour céleste (le contre-ténor Alberto Miguélez Rouco) qui se disputent le cœur de Marie Madeleine, aidé par Marthe (Marianne Beate Kielland, mezzo-soprano), sa sœur.
La Madeleine finira par céder à la vertu et gagner son statut de sainte, après bien des larmes, de quoi donner des airs pleins d’émotions portés par la voix de la soprano Giulia Semenzato.
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Conversation et airs fleuris
L’originalité de cette œuvre baroque réside dans sa construction, une conversation entre des récitatifs et 33 arias, mais aussi la présence « d’airs fleuris », d’une « musique luxuriante » qui traduit la tentation selon le musicologue Denis Morier. On se croirait à l’opéra plutôt que dans un oratoire, à la veille de Pâques. De quoi faire dire à ce dernier qu’on peut considérer cette œuvre comme « de la musique vénitienne réinterprétée à la manière viennoise ».