AccueilA la UneVent nouveau et musique de l'est au Studio Flagey de Bruxelles

Vent nouveau et musique de l’est au Studio Flagey de Bruxelles

CONCERT – Le temps d’hiver commence à couvrir nos paysages d’un voile blanchi. Aussi à Bruxelles, la salle de Concert Flagey invite son public à un shoot de pure musique, aux couleurs de l’hiver. Au programme : Bartok, Stravinsky et Scriabine.

Le Brussels Philharmonic invite les bruxellois à entendre Le Concerto pour Violon en Ré majeur de Stravinsky et la Rhapsodie No.2 pour Violon et Orchestre de Bartók porté par le soliste Frank Peter Zimmerman, ainsi que la Symphonie n°2 de Scriabine. Ces grands maîtres de l’est Stravinsky, Bartók et Scriabin étaient experts dans l’art d’écrire des compositions d’équilibre, et c’est par la seule maîtrise absolue qu’ils se sont autorisé à colorier en dehors des lignes. Kazushi Ono, directeur musical du philharmonique est réputé pour son énergie débordante. Il rend justice à la verve des compositeurs de l’est avec une ferveur soutenue.

Kazushi Ono, le chef et directeur musical du Brussels Philharmonic
Béla Bartok et la Csárdás, jeux de jambes

Le compositeur hongrois d’origine roumaine ouvre le concert avec une rapsodie en deux mouvements d’une traditionnelle alternance Lassu (lent)et Friss (rapide). Les rythmes régionaux et folkloriques se mélangent au classique d’une musique savante soutenue. Le composteur en pleine recherche d’une musique originelle a arpenté l’Europe centrale, en compagnie de son collègue et ami, Zoltan Kodaly afin d’archiver et noter tout ce qu’il y a entendu. Une ethnographie musicale faite à l’aide d’un enregistreur de première génération (Hongrie-1905, Slovaquie 1906-1909, Roumanie 1909-1914 et même une incursion en Afrique du Nord, en 1913).

Inspiré des danses de Csárdás hongroises, la rythmique de la Rhapsodie No.2 invite à battre le tempo si particulier de la musique hongroise, imitant les jeux de jambes traditionnels sur la scène du studio 4 avec une énergie redoutable. Composé pour un soliste au violon, c’est ici Frank Peter Zimmermann qui brille avec une verve et des rythmes piqués. Le violoniste allemand interprète au stradivarius (le «Lady Inchiquin» de 1711 qui a appartenu à Fritz Kreisler) les lignes essentielles de la rapsodie avec perfection. L’orchestre quand à lui brille comme à son habitude par une énergie et une précision organique. Kazushi Ono ondule à la direction, marquant les temps d’une danse qu’il figure presque à lui seul.

Stravinsky, choc iconoclaste

Au début du XXème siècle, Igor Stravinsky (1882-1971) envoie une onde de choc dans le monde musical avec les sonorités percussives et dissonantes de L’Oiseau de feu et du Sacre du printemps. En 1929, l’éditeur de Stravinsky Willy Strecker lui propose le projet d’écrire un concerto pour violon pour le jeune violoniste et prodige polonais, Samuel Dushkin. Loin d’être enthousiaste à l’idée d’écrire une partie soliste pour le violon (ayant peu d’affinité avec l’instrument), Stravinsky se lance dans l’écriture d’une pièce en compagnie de Samuel Dushkin qui lui permet d’éviter, selon son ami Paul Hindemith « une technique routinière qui ferait naître des idées qui ne seraient pas suggérées par le mouvement familier des doigts ».

Cette collaboration se révèlera complexe pour les deux parties, dont l’inspiration majeure reste un accord de Jean Sébastien Bach, véritable base de la composition que Stravinsky décrit comme le «passeport pour le concerto», et qui introduit chacun des quatre mouvements d’une manière différente.

« Chaque fois qu’il acceptait une de mes suggestions, même un simple changement tel que l’extension de la gamme du violon en étirant la phrase à l’octave en dessous et à l’octave au-dessus, Stravinsky insisterait pour modifier les fondements mêmes en conséquence. Il se comportait comme un architecte qui, si on lui demandait de changer une pièce au troisième étage, devait descendre jusqu’aux fondations pour maintenir les proportions de l’ensemble de la structure. » Samuel Dushkin.

Le 23 octobre 1931, l’opus était présenté avec l’Orchestre symphonique de la radio de Berlin dirigé par Stravinsky lui- même. En 1941, le chorégraphe George Balanchine a utilisé le fameux concerto pour violon pour son ballet Balustrade , qui selon Stravinsky était l’une des visualisations les plus satisfaisantes de toutes ses œuvres.

Cette difficulté d’interprétation se ressent dans la tension physique des musiciens et du soliste Frank Peter Zimmermann qui livre ce qu’il faut bien appeler une « performance ». Puissante, ondulatoire, la musique de l’orchestre philharmonique révèle une amplitude à la mesure du génie compositeur.

À lire également : Oiseau de feu paré au décollage
Alexandre Scriabin le mystique

Mystique, philosophe, le compositeur Alexandre Scriabin (1871-1915) était à la limite du messie et du prophète musical lorsqu’il décidait de se débarrasser des traditions classiques pour amorcer l’écriture d’un manuel ésotérique musical et de ses fameux «accords mystiques». Scriabin questionne la musique comme un plan unique de création unifiée au sein du monde entier, la musique étant un chemin de révélation. Le grand lecteur de Nietzsche, Kant, Schopenhauer, et grand amateur de Wagner était fasciné par la poésie, qualifiant ses trois dernières symphonies de « poèmes » : Divine Poem Poem of Ecstasy et Prometheus : Poem of Fire ». Musique éloquente et puissante, Alexandre Scriabin aura sans cesse cherché à repousser les limites du genre musical, comme le confie son ami qui disait alors :

« Vous êtes le premier compositeur qui, au lieu d’indiquer les tempi dans la partition, écrit des éloges sur ses propres compositions : « Divine, grandiose, sublime. Considérez la musique comme une facette d’un plus grand bien des arts. » 

OSKAR VON RIESEMANN

Écrivant principalement pour le piano, Scriabin fait ses premiers pas avec la Symphonie N°2, une vision personnelle et radicale. Comme sa Symphonie N°1 écrite un an plus tôt, il s’agit d’une œuvre de grande envergure qui brise le schéma traditionnel en quatre parties. Sa présentation en janvier 1902 à Saint-Pétersbourg suscite des réactions mitigées… Hué par une partie du public, décrit comme « seconde cacophonie » par certains, la symphonie partage le public de Scriabine. D’autres la considèrent comme « la nouvelle Bible ».

Sa Symphonie n°2 op.29 en ut mineur est la dernière œuvre de sa première période, après laquelle Scriabin a commencé à explorer l’affaiblissement progressif des fonctions tonales.

Suite à une conversation avec Rimski-Korsakov en 1907, Scriabin se pensait atteint de synesthésie, associant les couleurs aux notes et aux tonalité de la musique. Grand influenceur de la musique de Stravinsky, Scriabine est décédé à la fleur de l’âge. Le compositeur aura toujours fasciné, amorçant une réflexion sur la musique dodécaphonique. Qui sait jusqu’ou il serait allé…

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