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Ballet de Monte-Carlo : le Faust en rouge et noir de Jean-Christophe Maillot

DANSE – Quelques semaines après la Damnation de Faust de Berlioz, la scène monégasque fait dialoguer un autre Faust, par le ballet de Monte-Carlo, au Forum Grimaldi. Une résurrection pour la chorégraphie de Jean-Christophe Maillot.

Faust : késako ?

Le mythe de Faust est une nourriture spirituelle pour un nombre incalculable d’artistes, de la musique Romantique aux poètes contemporains. Un philosophe et scientifique (Faust) fait un pacte avec un diable (Méphistohélès) en échange d’une vie heureuse et amoureuse, dans les bras d’une jeune croyante (Marguerite). Évidemment, les événements vont mal tourner, et la figure de la mort va planer au-dessus des trois héros tout au long du conte.

C’est précisément la Mort que le chorégraphe Jean-Christophe Maillot a choisi de mettre en avant dans sa lecture du mythe rendu célèbre par Schumann en Allemagne, Berlioz et Gounod en France. En Autriche, ce sont les accents passionnels de la Faust-Symphonie de Franz Liszt que l’on connaît le mieux. C’est précisément cette musique narrative qui sert d’appui aux danseurs du ballet de Monte-Carlo pour éclairer le Faust version 2007 de Maillot.

La vaste Symphonie se divise en quatre mouvements qui deviennent quatre tableaux circonscrits ; danses de cour, danses de couple et combats ritualisés encadrent ce ballet qui a remporté en 2008 le prix Benois de la Danse, à Moscou.

De la danse pure

La trinité des personnages du Faust originel n’est pas la priorité du chorégraphe. Ici, tout semble graviter autour de la figure centrale de la Mort, toujours présente et toujours dans l’ombre des personnages. Comme leur double, en un sens… Les personnages sont des figures plus métaphysiques que réellement humaine. Ils incarnent des idées plus que des êtres. En ce sens, le choix d’une musique instrumentale est pertinent. De la musique « pure », qui va à l’essentiel.

Le chorégraphe l’affirme, dans le programme de salle : ”J’ai commencé à composer puis à éliminer les particularités de chacun pour ne garder que l’essentiel des éléments communs. Plutôt que la dimension littérale, c’est la dimension musicale qui crée l’élan, la musique peut vous venir entraîner au-delà de toutes limites, et tout contre. »

Méphistophélès, par exemple est le “principe de tout mal”, descendant au centre de la Terre le long du corps de Faust. Comme un être éphémère, il s’empare de lui, de sa vitalité, de ses mouvements, le fait “voler” dans le vaste espace de la scène, le soulevant par bonds tandis que sa danse et ses mouvements alternent entre sauts/contact avec Faust et attirance en duo avec Marguerite. Comme la Mort, il trace une ligne entre le personnage et le concept.

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Le « méta-théâtre » de Jean-Christophe Maillot

Le début du spectacle est une succession de soupirs et de chuchotements, d’instruments électroniques métalliques. L’incarnation du « Diable en musique » et les impulsions opposées et complémentaires du rythme cardiaque – contraction, ouverture – font peu à peu monter la tension.

Jean-Christophe Maillot doit beaucoup au théâtre de Bob Wilson. L’utilisation du “noir total” (façon Soulages) et des contours du visage blanc immaculé de la mort augmentent la perception du surnaturel. Les visages rouges des démons qui sortent de l’espace comme leurs mains qui s’entremêlent avec celles de la Mort, ne montrent grâce à l’éclairage que les détails, typiques de ce monde au-delà du monde.

Dans les décors et les accessoires aussi, tout est symbole : une pomme et un arbre en guise de tentation, un gant de diamant évoque la vanité des biens terrestres.

Dans le langage de Jean-Christophe Maillot, les thèmes sont donc plus importants que leur incarnation. En danse, il faut pourtant bien leur donner corps. C’est par la musique, et une distribution des personnages dans la partition (chacun se voit attribuer un instrument) que la relation entre l’âme et le corps s’installe pour le spectateur.

Des danseurs au service d’un idéal

Méphistophélès, interprété par Álvaro Prieto, est imprégné de pulsions érotiques et d’idéaux passionnés. D’un physique assez fort, son énergie ressort sous toutes ses formes, et même lors de scènes statiques, les vibrations physiques étaient palpables.

Le Faust de Jérôme Tisserand est un personnage complexe. Tous ses changements émotionnels se transmuent en mouvement, il a incarné le rôle avec une certaine personnalité, et une apparente facilité de mouvement, particulièrement dans les sauts.

Dès la première apparition de sa Marguerite, Lou Beyne apparaît plus concernée que jamais. Dans son rôle fait de physique et d’intelligence, elle a su concilier l’impératif musical et la liberté d’interprétation du mouvement.

La mort immaculée de Mariane Barabas ©Alice Blangero

Personnage clé du spectacle signé Maillot, la Mort de Mariane Barabas réussit à faire évoluer sa physicalité de danseuse classique vers l’androgyne, avec des énergies, et des poses plastiques où l’étude du mouvement et de l’interprétation ont été déterminantes. Ses poses de papillon noir, dont les ailes sont des extensions expressives du corps ont quelque chose d’inquiétant et d’élégant à la fois.

À la fin ce ballet démoniaque, aphrodisiaque et ô combien puissant, le public du Forum Grimaldi se lève comme un seul être, pour une standing ovation absolument méritée.

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