AccueilA la UneBrahms, ou la fougue de la jeunesse à la Philharmonie de Paris

Brahms, ou la fougue de la jeunesse à la Philharmonie de Paris

CONCERT – La pianiste Elisabeth Leonskaja a interprété ce mardi 24 janvier, dans la grande salle Pierre Boulez de la Philharmonie de Paris, les trois sonates pour piano de Johannes Brahms : puissante et vibrante incursion dans les œuvres de jeunesse du compositeur allemand.

Une poésie pleine d’énergie et de grandeur

Elisabeth Leonskaja n’a pas jeté un œil sur son public : franchissant d’un pas ininterrompu le grand espace vide de la scène qui la séparait de son Steinway, elle s’est jetée avec une étourdissante subtilité sur ces trois sonates, les seules qu’ait écrites Brahms pour le piano. C’est l’œuvre d’un jeune compositeur âgé d’à peine dix-neuf ans, qui exprime, dans le creuset de la sonate, toute la palette des émotions humaines. L’ampleur de la masse sonore, l’humeur changeante, parfois claudicante des mélodies, les saccades d’octaves et d’accords, la puissance quasi orchestrale du jeu en rendaient l’interprétation tout particulièrement ardue.

Pour traduire du bout de ses dix doigts ces états d’âme romantiques, la pianiste, douée d’une profonde intelligence de la partition, n’a passé sous silence aucune des riches couleurs qui la composent : au gré des arabesques de nuances, fantaisie, fougue, mélancolie, vigueur, énergie, tristesse se sont mêlés dans le flux inexorable des idées musicales. C’était un kaléidoscope d’harmonies tantôt caressantes, douces et douloureuses, tantôt martiales, inquiétantes ou assurées, dont Elisabeth Leonskaja a su rendre toute la grandeur objective.

Brahms, le piano-orchestre et la fragmentation permanente

La difficulté d’interprétation de ces sonates vient sans doute de ce qu’elles semblent toujours inachevées et claudicantes : derrière la formidable amplitude que découvre la partition, engageant toutes les octaves du piano, les thèmes et les lignes mélodiques sont sans cesse altérés par une série de ruptures et de contrastes, qui peuvent surprendre l’auditeur.

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Mais il faut dépasser la confusion qu’instaure cette esthétique du clair-obscur au cœur même de la ligne mélodique, pour mieux voir tout l’élan fécond et fulgurant de ces trois sonates. Parfois, comme c’est le cas dans le trio « poco più moderato » du Scherzo (troisième mouvement, plus rythmé) de la Deuxième sonate (op. 2), la virulence fougueuse des harmonies s’efface devant l’expression d’un repos serein, avant de revenir de plus belle, dans toute sa vivacité et toute son inquiétude, au milieu du déferlement des octaves, des trilles et des trémolos. Mais ce petit moment de temps suspendu, éclaircie dans la tempête, c’était un chant, c’était une voix au milieu de la nuit, comme dans les Lieder de Schubert.

La troisième sonate (op. 5), interprétée après l’entracte, résumait tout en la prolongeant la beauté contrastée des deux premières, sans leurs rugosités : c’est déjà le moule des Symphonies et des Klavierstücke (op. 119), composées en 1893, à Bad Ischl.

Un triomphe à la Philharmonie

Le public, par une très large ovation et une profusion de bouquets de fleurs, a su féliciter l’intelligence, la finesse et la maturité du jeu d’Elisabeth Leonskaja. Achevant ce parcours dans les œuvres de jeunesse de Brahms (composées toutes les trois entre 1852 et 1853), elle est revenue sur scène pour interpréter l’Andante en sol majeur de la « Sonata Facile » (n°16 en ut majeur K. 545) de Mozart.

Ce mouvement andante avait fait l’objet, en 1877, d’une adaptation pour deux pianos par le compositeur norvégien Edvard Grieg, dont Elisabeth Leonskaja et Sviatoslav Richter ont laissé un enregistrement à quatre mains en 1996, un an à peine avant la mort du grand pianiste russe. Fallait-il y voir un discret hommage à celui qui fut, en dépit des trente années qui les séparaient, un maître, un ami et un complice de toujours – et qui excellait lui aussi dans l’interprétation des sonates de Brahms ?

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