AccueilA la UneVoyage dans l’envers du décor avec Jean-François Zygel

Voyage dans l’envers du décor avec Jean-François Zygel

CONCERT COMMENTÉ – Les clés de l’orchestre, invention du génial Jean-François Zygel, sont devenu une forme plébiscitée par le public curieux de s’ouvrir aux secrets de fabrication de la musique. Dernier né de la collaboration avec l’Orchestre Philharmonique de Radio-France proposait d’explorer le Shéhérazade de Rimsky-Korsakov.

Ceci n’est pas un concert comme les autres. Au programme de ce soir, la suite symphonique Shéhérazade de Rimsky-Korsakov. Mais l’Orchestre Philharmonique de Radio-France dirigé par Kazushi Ono ne va pas « juste »nous jouer Shéhérazade. En effet, notre hôte pour ce concert, le pianiste et compositeur Jean-François Zygel va nous présenter l’oeuvre. Mieux encore, il va la décortiquer avec nous, il va tenter de nous la faire entendre avec ses oreilles.

Une mécanique bien huilée

Alors, n’exagérons rien, il n’est évidemment pas possible d’aborder des questions de musicologie pointues en une seule soirée face à un public de novices. Nous ne sortirons pas de la maison de Radio-France plus savants en matière de mode mixolydien ou de mouvement chromatique que nous y sommes rentrés. Il ne s’agit pas non plus de voir les musiciens « travailler » à proprement parler, de voir tous les efforts de fourmi, toutes ces multiples répétitions (le mot n’est pas venu au hasard) sans lesquelles les artistes ne peuvent pas s’envoler. Nous arrivons face à un orchestre déjà prêt.

Jean-François Zygel au milieu de l’Orchestre Philharmonique de Radio-France. Un musicien parmi les musiciens ©Naïve

En revanche, ce que nous apporte Jean-François Zygel, en plus de nous présenter l’oeuvre et de la remettre dans son contexte, c’est de nous permettre de contempler quelques éléments de l’orchestre un à un. Avant que chacun des quatre mouvements soit joué en entier, il nous présente quelques passages qui les constituent, en demandant à certains instrumentistes de jouer leur partie, les musiciens de l’orchestre semblant pouvoir tout répéter à la perfection autant de fois qu’il le leur demande. Cette sorte de « gros plan » sur un instrument en particulier, qui n’est pas possible dans un concert « lambda », est assez fascinante.

Il suffit pour ça d’un peu d’imagination !

Le public pourra se familiariser avec la notion de « motif » en musique, puisqu’il nous fait remarquer comment un thème débuté par un instrument est repris par un autre, puis par tout l’orchestre, comme par exemple le thème du sultan. Surtout, il ouvre notre imagination, nous montre qu’un qalandar, ou mystique soufi, peut se cacher derrière des notes de basson, ou nous faire voir la mer dans un ensemble de cordes frottées. Et quand le mouvement est joué en entier, on y arrive effectivement avec une écoute enrichie par ce qui a précédé, quoique le sentiment de « spontanéité » propre à un concert puisse être légèrement atténué par le fait d’en avoir déjà entendu des extraits.

Jean-François Zygel relève le défi de décortiquer la complexe Symphonie n°9 de Chostakovitch
Petite forme, grandes questions

Également fascinantes : les problématiques auxquelles on finit par arriver en commentant une œuvre musicale. A la fin de la représentation, Jean-François Zygel ouvre la grande question de la musique orchestrale. Est-elle abstraite, ou en tout cas n’exprime t-elle que des choses qui appartiennent à elle-même, ou bien peut-elle être narrative ? L’oeuvre de ce soir porte les marques de cette ambiguïté, à mi-chemin entre un poème symphonique (avec un programme, c’est-à-dire une « histoire ») et une symphonie « pure ». Rimsky-Korsakov lui-même oscilla entre les deux, dans le choix de ses titres de mouvement, d’abord plus narratifs, liés aux Milles et une Nuit, puis plus musicaux (comme le troisième mouvement, « le jeune prince et la jeune princesse », devenu un simple « Adagio »).

À lire également : l'interview perchée de Jean-François Zygel

Ou alors, quand Jean-François Zygel parle du contexte historique de l’oeuvre, il est amené à évoquer les tensions créées par le rapprochement artistique de Rimsky-Korsakov avec Tchaïkovski, au grand dam du restant des « Cinq », qui ont vu comme une trahison que celui-ci se forme avec un compositeur plus « occidentalisé » alors qu’ils se réclamaient d’une mouvance slavophile. Cela évoque la question de la place de la Russie dans l’Europe, tiraillée entre émulation et opposition face à l’Occident, relation ambigüe qui manifestement n’est pas en passe d’être apaisée de sitôt.

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