AccueilA la UneSans Tambour, mais avec trompette !

Sans Tambour, mais avec trompette !

SPECTACLE – Sans Tambour, du metteur en scène et comédien Samuel Achache est un enchantement poétique où la musique de Schumann fusionne avec le théâtre et où le lyrique côtoie le burlesque et l’absurde. Un mélange des genres sur le vieux thème de la rupture amoureuse.

Un décor voué à être démoli 

La pièce commence avec un double effondrement : celui d’une maison et du couple qui l’habite. Le décor va se déconstruire en même temps que l’histoire se fragmente. Sur scène se trouve un drôle de logis grandeur nature, aux murs décrépis recouverts de papiers peints délavés, aux escaliers nus, aux planchers parcellaires dont l’arrière-plan est caché de notre regard par des bâches et des murs en carton, qui seront détruits à grand coups de poings au fur et à mesure que la pièce avance. Nous le comprenons assez vite, cette maison est vouée à la démolition et nous finirons dans les gravats, dans un théâtre dont le charme réside dans son aspect un peu délabré.    

Une succession de moments poétiques lyrique et de gags légers

Plusieurs époques y sont racontées, d’aujourd’hui à l’âge de pierre. Ce qui donne une légère impression que l’histoire peut partir dans tous les sens. Difficile à résumer ici en quelques lignes, surtout que plus la pièce avance, plus on se perd ! 

Le prologue nous annonce le ton du spectacle : un homme arrive sur scène et mime l’insertion d’un 45 tours dans un tourne-disque, et la modulation du son. Un petit groupe de musiciens accompagne ses gestes et la voix magnifique de la soprano Agathe Peyrat illustre le son du disque,. Cette mise en bouche démontre ainsi l’intrication étroite entre les mouvements du corps et la musique. L’homme en question est interprété par le comédien chanteur Léo-Antonin Lutinier, excellent dans l’art du pantomime, léger double de Buster Keaton par sa gestuelle et son allure. 

Deuxième acte, les premiers murs en plâtre s’abattent après quelques coups de massues données par un couple qui s’engueule. Nous assistions à une scène de ménage vaudevillesque dans une cuisine dont l’élément déclencheur est un évier bouché à cause d’un siphon abimé. On se croirait dans un sketch « Un gars, une fille ». L’homme fait la vaisselle alors que sa femme lui annonce son souhait de le quitter car il ne la fait plus rêver. Et oui nous avons à faire à un homme moderne embourbé dans les considérations quotidiennes comme le ménage ou le dernier achat de la Renault Scénic, et clairement il ne fait plus rêver sa femme, une idéaliste du grand amour. Ils se déchirent puis se réconcilient et l’amour n’a jamais été aussi sportif et musical. En effet cette scène d’amour est mise en musique par un petit groupe de musiciens pendant que le couple sans jamais se détacher l’un de l’autre enlève une à une des pièces du décor à coup de bras et de pieds. Acrobatique et burlesque me direz-vous mais le ton de toute la pièce est donné ! 

A partir de cette scène va naitre une multitude d’autres sketchs / gags légers qui sont à eux seuls, soit de petits moments poético-lyriques, comme le récit abrégé de Tristan et Iseut, soit de petites scènes burlesques d’une grande drôlerie flirtant avec les Marx Brothers, comme la scène d’adultère sous la douche ou le jet d’une lance télescopique vers le public. Certaines scènes tomberont dans l’oubli alors que d’autres procureront des émotions fortes aux spectateurs en fonction de leur vécu. Pour ma part, je retiendrais les scènes suivantes : celle où la cantatrice chante sous la douche et sa robe se délite sous une eau dégoulinante dévoilant son corps nu ou celle où l’un des musiciens tentent d’atteindre un piano suspendu et finit englouti par ce même piano ou encore une autre scène où des chirurgiens tentent de retirer l’amour par une opération à cerveau ouvert. Des dialogues percutants, un brin philosophique, jaillissent avec beaucoup de boucan, comme cette longue tirade où un comédien s’adresse à son cœur, un cœur en peluche rouge et là je me dis que je devrais plus parler au mien. 

Des acteurs virtuoses un peu touche à tout : musiciens, clowns, acrobates

Mais que serait cette pièce sans ses acteurs ? Les acteurs sont exceptionnels et rendent le spectacle très drôle grâce à leur osmose. On retiendra particulièrement la prestation de Lionel Dray, une sorte de Don Quichotte en jogging bleu avec à ses pieds des chaussures à boucles style vieille Angleterre, qui interprète un homme moderne avec un cœur d’artichaud assez tourmenté par l’amour. En face de lui, son binôme Sarah Le Picard, au franc parler qui incarne une femme féministe et déterminée. 

Sur scène, ce n’est pas moins de 12 acteurs – musiciens qui s’évertuent à créer de nouvelles histoires, de nouvelles musiques mais aussi de nouveaux décors. En effet les acteurs se muent en démolisseurs et constructeurs de décors à coups de poings, de mains, de marteaux et d’instruments. Bref ces acteurs ont plusieurs cordes à leurs arcs : un peu musicien, un peu chanteur, un peu clown, un peu acrobate. 

Mais qui est Samuel Achache, le créateur de cette pièce loufoque ?

Comédien de formation, Samuel Achache a créé de nombreux spectacles musicaux classiques en binôme avec Jeanne Candel, sorte de pièces hybrides entre théâtre et opéra, comme Le Crocodile trompeur, Orfeo / Je suis mort en Arcadie et La Chute de la maison où une autre maison aussi s’effondrait. Puis il co-dirige le Théâtre de l’Aquarium de 2019 à 2020, avant de fonder en 2021 sa compagnie de théâtre et de musique : La sourde. 

En juin 2022, le voilà solo pour présenter Sans tambour au festival d’Avignon au Cloître des Carmes, et son spectacle devient un succès incontesté du festival. Il poursuit aujourd’hui sa tournée au Théâtre des Bouffes du Nord jusqu’au 5 mars pour le plus grand bonheur des parisiens. 

Samuel Achache ©ILARIA MAGLIOCCHETTI LOMBI

Mais d’où vient l’inspiration de Sans Tambour ?

Samuel Achache s’inspire pour Sans Tambour des « Liederkreis op. 39 » de Robert Schumann, un cycle de mélodies pour voix et piano sur 12 poèmes de Joseph von Eichendorf emblématiques du romantisme allemand. Pour la petite histoire, en 1840, Robert Schumann, compositeur littéraire a écrit pas moins de 140 Lieder en moins d’un an pour évoquer son amour passionné et profond avec sa femme Clara.

Le directeur musical Florent Hubert donne à la musique un rôle à part entière, elle donne le climat des dialogues et les gags et surtout elle cautérise les plaies après une rupture amoureuse. Elle est omniprésente voir indispensable sur toutes les scènes. Par exemple, les soupirs dissonants sont rendus par le son d’une clarinette et les répliques des acteurs sont suivies par le chant de la sublime soprano Agathe Peyrat.

Bref, vous l’aurez compris, nous ne sommes pas là pour écouter la musique de Schumann et juger son interprétation. Les mélomanes seront surement déçus à cause de tous les bruits parasites à la musique mais pas le grand public qui appréciera ce théâtre d’une grande légèreté qui fait du bien. 

Que nous restera-t-il après cette pièce ?

Avec cette pièce poétique et légère, Samuel Achache se pose et nous pose la question : que gardons-nous après une séparation ? Quelle émotion subsiste encore dans notre corps et notre cœur ? Il la résume si bien en cette phrase : « Quand un espace ou une histoire n’existent plus, tout ce qu’il en reste c’est son souvenir. » Sa pièce est difficile à résumer, mais ce qui fait la force de cette pièce, c’est que dans six mois, chaque spectateur aura été marqué par un fragment différent en écho avec son histoire personnelle et son effondrement intime ! Mais ce qui est assez clair pour tout le monde, c’est que la pièce se termine dans un champ de ruines où il est possible de reconstruire l’amour. 

Et pour conclure

Courez voir cette pièce d’une grande originalité, car assister à une démolition de décor tout en se shootant à la musique de Schumann version gag burlesque vaut bien le détour. Petits et grands y trouveront leur compte dans ce divertissement espiègle hormis peut-être les mélomanes un peu trop tatillons.   

Sans Tambour est à l’affiche du théâtre des Bouffes du Nord jusqu’au 5 mars 2023

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