AccueilA la UneDanse contemporaine à Nice, un pas (de) côté cuisine

Danse contemporaine à Nice, un pas (de) côté cuisine

DANSE – La Cuisine, nouvelle salle du Théâtre National de Nice, offre sa scène noire, telle une camera obscura, au ballet Nice Méditerranée, dirigé par Éric Vu-Han. Un triptyque de trois climats, propres à des chorégraphies créées entre 1974 et 2013, plonge le regard du public, soutenu par des musiques puissantes et envoûtantes, à même le cœur et le corps du mouvement humain. 

Rhapsody : késako ?

Le premier temps de la valse est Rhapsody (créé en 2013), d’Oscar Araiz, dont le chorégraphe argentin donne l’idée germinale : un lancer de dés sur une table de jeu ; la tension entre hasard et détermination qui l’accompagne. Le jeu est également musical, qui renvoie au titre de la pièce : Rhapsodie sur un thème de Paganini de Rachmaninov, un Capriccio virtuose, varié, combiné dans tous les sens, les tempi et les atmosphères. Les corps sont jetés, tels des dés, par la main d’un croupier, un danseur se tenant à la place d’un chef face à son orchestre en demi-cercle. Au contrôle assuré et mécanisé du geste – jeu de jambes et de bras – vient progressivement se substituer une obsession humaine à l’issue incertaine. 

Corps-accords

Les murmures des pas, tels des coussinets de félin, s’accordent à la pulsation musicale et à la scansion physique qui ne faiblit pas, de variation en variation. Ensembles (d’une dizaine de danseurs) et duos éphémères (notamment les solistes Véronica Colombo et Noah Dunlop) s’entrechoquent ou s’enroulent à la faveur d’une gestuelle hybride. Elle puise ses fondements dans une grammaire classique, mais élargie, augmentée, par des jetés de membres, de têtes, des corps à corps qui tâtonnent, fendent les directions ou se replient sur leur propre incarnation. L’ensemble constitue une orchestration physique qui habite de chair la partition musicale jusqu’à l’agrégat final des danseurs, formant un être chimérique qui s’ouvre et se ferme comme un grand coquillage.

Extraits de Rhapsody, par le ballet Nice Méditerranée
Gnawa : késako ?

Le deuxième temps de la valse, à rebours de la chronologie, est Gnawa (créé en 2005) de l’Espagnol Nacho Duato. La musique importe ici également, dans les deux sens du terme : au sens de son importance et du dépaysement géographique et culturel qu’elle autorise. Elle évoque un moyen orient spirituel, traversé par le souffle ésotérique du soufisme. À la variation obsessionnelle succède l’improvisation traditionnelle entre instruments à percussion, à vent et à corde. 

Peau à peau

Transe, envoutement, hypnose, extase, offrande, sacrifice… tels sont les référents que les danseurs, en noir pour elles, en blanc pour eux, déplient en « juste au corps », en rencontres de peau à peau. La gestuelle est ici plus novatrice, mobilisant toutes les articulations du corps : doigts qui s’écartent, épaulent qui se haussent, coudent qui obliquent, sternum qui spirale, chevilles qui roulent, roulades sur le parquet… Les gestes du quotidien, des rivages sud de la Méditerranée, sont ainsi sublimés, ne serait-ce que par « le fantôme de l’opéra » qu’est la danse classique et ses précieuses ascèses : grands écarts et pas chassés de gazelles. 

Gnawa, par le Hubbard Street Dance Chicago

Le dernier temps de la valse reprend un opus déjà classique, Night Creature (créé en 1974) du chorégraphe afro-américain Alvin Ailey. L’heure est encore à la nuit, à ses stars scintillantes et ses créatures chimériques. L’univers est clairement celui du music-hall, du « cabaret supérieur » (l’expression est d’Arnold Schoenberg), sur une musique de Duke Ellington, au groove irrésistible et obsessionnel, mais à sa manière propre.

À lire également : À Monaco, le Faust en rouge et noir de Jean-Christophe Maillot
Science-friction

La syncope y est reine et ouvre un espace dans lequel les danseurs viennent se déhancher, faire claquer leur ossature, exprimer leur part animale, tendre leurs mains comme des têtes de serpent. Il y a, dans le mouvement perpétuel de la chorégraphie, quelque chose qui libère et enferme les corps en même temps : épanouissement sensuel et carcan mécaniste, préfigurant notre actuelle société numérique et son armée de dactylographes. Un bouquet final vient célébrer la puissance du divertissement : l’usine à rêve américain. 

La tradi-modernité du programme, intégration d’un long héritage qui fait de l’être humain un support d’expression et de contemplation, le statut de la musique, qui n’est pas qu’un accompagnement mais un générateur de mouvements, et surtout l’excellence du ballet et de son esprit de corps, justifie la longue séance d’applaudissements qui vient clore le spectacle.

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