AccueilA la UneNuit agitée pour Renaud Capuçon et sacré réveil pour Alain Altinoglu

Nuit agitée pour Renaud Capuçon et sacré réveil pour Alain Altinoglu

CONCERT – À la tête de l’Orchestre Philharmonique de Radio France, Alain Altinoglu a oscillé entre Stravinsky et Layal, une pièce de Benjamin Attahir, dont c’était ce soir la création française.

Une contrebasse. Vous voyez déjà ce que ça fait une contrebasse ? Imaginez maintenant qu’il y en avait pas moins de 9, ce vendredi 3 mars sur la scène de la Philharmonie de Paris, ce qui laisse une idée du nombre total de musiciens… Indice : c’est vraisemblablement à trois chiffres.

Pourquoi ces trois œuvres ?

Mais tout ce monde est venu pour jouer quoi d’ailleurs ? Dès l’examen du programme de cette soirée, il était possible de s’interroger sur la logique sous-jacente à cette dernière. En effet, Layal et le Sacre du Printemps ont des allures de monolithes difficilement conciliables. Cependant, dès sa création, le 30 mai 2020 à la Staatskapelle de Berlin, Layal était déjà couplée à une pièce stravinskienne -en l’occurrence Petrouchka– et était déjà exécutée par Renaud Capuçon. Ce dernier étant en résidence à Radio France pour la saison 2022-2023, peut être n’est il pas besoin de chercher davantage.

Un concertino pour les gouverner tous

Finalement, le Concertino pour douze instruments, donné en ouverture, fera figure de liant, prodiguant simultanément des sonorités profondément stravinskiennes et une exigence de virtuosité indéniable pour le violon solo -ici le jeune -et déjà- redoutable Nathan Mierdl, né en 98 et , depuis peu, violon solo du Philharmonique de Radio France ! Il y en a comme ça…

Bien que très court, ledit Concertino aura pour avantage de donner le ton de la soirée, permettant au maestro Altinoglu de dévoiler un style de direction sans extravagance, mais d’une précision gestuelle et rythmique impeccable, avec une utilisation du torse pour renforcer chaque mouvement et leur faire gagner en lisibilité, ce qui peut se révéler fort utile lorsque l’on connait toutes les facéties rythmiques du Sacre du Printemps. Face à 12 musiciens ne jouant presque jamais simultanément, la valeur ajoutée d’un chef peut par moment paraitre difficilement évaluable. Toutefois, les quelques rares attaques d’ensemble sont nettes et marquantes, et permettent de présager de belles choses pour la suite de la soirée.

Layal, une musique orientale pour orchestre occidental

Vint ensuite Layal (i.e « Nuit » en Arabe) de Benjamin Attahir, symphonie concertante pour violon et orchestre. Constituée de douze sections, elle est dédiée à la mémoire d’Isaac Stern. Dès les premiers instants, les sonorités orientales, donnant parfois dans l’orientalisme dans la seconde partie, envahirent la salle Pierre Boulez. Élève d’Isaac Stern à Berlin et familier d’Attahir -dont il a créé la sonate pour violon et piano, Istihara, en 2020-, Renaud Capuçon s’imposait logiquement comme interprète pour cette pièce himalayenne.

Toutefois, tout disciple de Stern qu’il fut, Capuçon n’en demeure pas moins humain et vit sa virtuosité mise à l’épreuve par l’extrême difficulté de cette partition ; particulièrement dans les deuxième et troisième sections, où certaines fioritures auraient pu bénéficier de davantage de précision et de justesse. Ne quittant pas une seule fois des yeux sa partition, l’on pouvait presque se demander s’il n’avait pas manqué de temps pour retravailler l’œuvre avant le concert. Sans difficulté apparente pour le chef, l’orchestre de Radio France déploie, pour répondre au soliste, des trésors de netteté dans ses attaques. Point notable, les violons, alto et violoncelle solo seront, à l’issue de Layal ,quasiment autant applaudis que le soliste.

Le sacre du printemps pour adouber la soirée

La soirée devait ensuite se conclure avec l’un des chefs d’oeuvre de Stravinsky : le Sacre du Printemps. Le Sacre, c’est le genre d’œuvre qui peut paraitre savante, mais qui reste coincée dans la tête à vie. Peut être à cause de Fantasia, où dirigé par Leopold Stokowski, il a marqué au fer rouge les rétines et les tympans de tous les enfants qui le découvraient.

Étrangement, c’est aussi l’une des rares œuvres majeures du 20ème siècle que les « balletomanes » entendent plus souvent que les mélomanes. Depuis le scandale de sa première au Théâtre des Champs Élysées le 29 mai 1913, bien des chorégraphes se sont mis en tête de donner leur version. Presque autant que pour le Boléro de Ravel ; c’est dire…

Une attention toute particulière est apportée à ce Sacre par le maestro, qui attendra que les derniers retardataires soient rassis pour s’assurer du silence total de l’auditoire. Dès l’introduction de l’Adoration de la Terre, l’auditorium se remplit au fur et à mesure que les pupitres s’animent. L’exécution est quasi parfaite. Tout est en place, et on ne pourrait qu’éventuellement souligner le léger déséquilibre entre certains pupitres. Toutefois dès les Augures printaniers, ces légères réserves disparaissent devant le rendu ciselé, tout en finesse et en relief.

Finalement la Danse de la Terre a permis de rajouter toute la puissance de la phalange et à Alain Altinoglu de confirmer les qualités pressenties dès le concertino : tempi rapides, reliefs bien marqués. Le chef choisira de marquer un moment d’arrêt entre l’Adoration de la Terre et le Sacrifice, qui laissera l’écho se dissiper dans un silence religieux, émaillé ensuite par quelques toux lors de l’introduction dudit sacrifice.

Ce silence fera toutefois place à des applaudissements aussi tonitruant que l’orchestre à l’issue de la représentation, et ce pendant près de 7 minutes. Davantage de temps qu’il ne fallut à l’exécution du concertino.

Le concert peut-être ré-écouté sur le site de France Musique.

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