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Showgirl : l’enfer du décor

SPECTACLE – La saison du Théâtre National de Chaillot propose une plongée crue dans le monde impitoyable du showbiz, en rendant un bel hommage, féministe, drôle, burlesque et trash au cultissime film de Verhoeven, Showgirls

Showgirls : kesako ?

Showgirls, c’est avant tout le film maudit et sulfureux de Paul Verhoeven, culte aujourd’hui, mais considéré comme un véritable nanar à sa sortie en salles en 1995. L’époque n’était pas encore prête pour accueillir ce film féministe sur une immersion trash dans le monde de la danse à Las Vegas, ville de tous les péchés. Pour la petite histoire, Showgirls, sorti juste après le triomphe de Basic Instinct, est un échec cuisant aussi bien d’un point de vue critique (il remporte quand même aux Razzie Awards les prix du pire film, du pire scénario, de la pire actrice et de la pire révélation féminine de l’année ! ) que commercial (un véritable flop au box-office). P0q

Le point de départ de ce spectacle : Showgirls et l’histoire de sa sortie

Et pourtant, l’histoire partait bien en s’inspirant d’un chef d’œuvre du 7ème art, « Eve » de Joseph L. Mankiewicz, et en surfant sur la vague Flashdance, version caniveau trash avec le même scénariste, Joe Eszterhas. Le réalisateur Paul Verhoeven a vite rebondi mais pas l’actrice principale Elizabeth Berkley, dont la carrière n’a même pas eu le temps de s’envoler qu’elle était déjà brisée. Elle pensait suivre les pas de Sharon Stone mais le monde hollywoodien est cruel. Le seul titre qu’elle remportera dans les années suivantes sera celui de la « végétarienne la plus sexy de l’année » par l’organisme PETA. Bref pas vraiment le prix attendu pour une actrice. Elle ne s’en remettra jamais. Il faudra attendre plus de 20 ans avec sa restauration en 2016 pour que le film rejoigne enfin le panthéon des films cultes. Aujourd’hui ce film est aussi réhabilité sur la scène de Chaillot par le duo incroyable Marlène Saldana et Jonathan Drillet, qui s’intéressent aux excès liés au sexe, à la violence, au pouvoir et aux paillettes du monde du showbiz, aussi bien à Las Vegas qu’à Hollywood.

Marlène Saldana et Jonathan Drillet, un duo de choc

Le duo de choc : Marlène Saldana et Jonathan Drillet

Marlène Saldana a été révélée au grand public pour ses nombreux rôles dans les films de Christophe Honoré et a été particulièrement remarquée dans son rôle de Jacques Demy avec sa danse endiablée sur les planches de l’Odéon pour le spectacle Les Idoles. Elle travaille depuis une dizaine d’années avec son complice Jonathan Drillet. Souvent qualifiés de performers par la critique, ils ont fondé leur propre compagnie en 2008, The United Patriotic Squadrons of Blessed Diana parce qu’à l’instar de Nietzche, ils savent que « l’art nous est donné pour nous empêcher de mourir de la vérité ». Depuis, ils n’ont cessé de créer des spectacles à la frontière du théâtre, des arts plastiques, de la danse contemporaine et de la musique, tels que Dormir sommeil profond, Le Sacre du Printemps arabe ou Le prix Kadhafi. Aujourd’hui, ils s’attaquent à Showgirl.

Une adaptation libre, drôle et burlesque dérivant sur la violence de l’American Dream

Showgirls est l’histoire d’une jeune fille de province, Nomi Malone, qui se rend à Las Vegas dans l’espoir de faire carrière. Elle passe du trottoir au strip-tease pour devenir la reine du Stardust après avoir éliminé sa rivale à coup de reins dans un escalier. À Las Vegas, tous les coups sont permis pour monter au sommet, même ceux qui font très mal. Pour cette adaptation libre et enflammée, Showgirls perd son pluriel pour devenir Showgirl, car ce show est centré sur la performance d’une seule comédienne : Marlène Saldana. Elle est littéralement époustouflante dans le rôle du personnage fictif de Nomi et de l’actrice qui l’a interprétée dans le film (Elizabeth Berkley). Marlène Saldana et Jonathan Drillet ont pris le parti de mettre de côté les scènes cultissimes de Showgirls comme la « scène de la piscine » ou celle « des perles », pour se consacrer uniquement aux scènes de loges, celle des backstages.

Ils font une description minutieuse du film de l’intérieur. L’héroïne, installée à l’intérieur d’un volcan kitsch débite des monologues en décasyllabes aux voies multiples parfois devant un phallus géant tout en strass. L’intensité de certains propos et le choc émotionnel généré l’amènent à évacuer en dansant sur une musique techno / électro de Rebeka Warrior, la chanteuse déjantée des Sexy Sushi. La musique est forte, brute et entêtante par ses boucles obsédantes créant des moments de pure litanie. La musique est avant tout celle d’un cœur qui bat fort, celui d’une fille du caniveau qui a la rage de s’en sortir à n’importe quel prix.

Trash-talking

Inclassable, ce Showgirl ne peut pas se définir simplement comme une comédie musicale et crée une véritable confusion chez le spectateur en fusionnant la danse contemporaine, les arts plastiques, le théâtre, la musique et les longs monologues, avec des blagues trash notamment. Pour ne citer que celle-ci au début du show : « La clim c’est comme une bite, si tu la mets à fond ça fait mal à la gorge ». Marlène Saldana y va à fond les ballons pour faire passer les messages et le « dark side » de l’ « American Dream », où de jeunes papillons se brûlent les ailes. Elle n’hésite pas à se dénuder comme dans le film pour rendre le spectateur complice et voyeur de la déchéance et de la servitude de ses showgirls. Et elle appuie son discours en digressant sur le slut-shaming, la prestation de Romy Schneider dans « L’important c’est d’aimer » ou l’agression soi-disant justifiée de son homonyme Maria Schneider durant le tournage du « Dernier tango à Paris » par le réalisateur Bertolucci, qui voulait filmer une réaction spontanée de l’actrice.

Comment survivre dans le monde du showbiz ?

En résumé, ce spectacle n’est pas seulement un bel hommage burlesque et trash au film culte de Verhoeven. C’est avant tout un spectacle féministe burlesque qui soulève la question récurrente que se posent de nombreuses artistes : comment réussir à survivre aux humiliations et à la violence du monde du showbiz et parvenir à ses fins sans se perdre sur le chemin et s’abimer ? « Les brebis doivent prendre gare aux loups » comme le chante l’héroïne. A l’ère post-#metoo, ce spectacle est un véritable plaidoyer pour toutes ces femmes trop souvent maltraitées, qui acceptent beaucoup trop d’humiliations et de violence pour espérer un jour atteindre le sommet.  

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