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Marin Alsop et le RSO Wien à la Philharmonie de Paris : un concert contrasté

COMPTE-RENDU – L’affiche était belle : orchestre et cheffe renommés, programme bien bâti, salle prestigieuse. En se glissant dans cette mécanique bien huilée, quelques grains de sable sont venus rappeler qu’un concert restait une performance en direct, qui pouvait voir se côtoyer le bon et le moins bon.

Alors, Marin Alsop, Lydia Tàr ou pas ?

Commençons par une brève de concert, entendue lors du départ de la salle : « Ah ben, j’suis contente, j’ai assisté au concert d’une star ». Sans doute cette spectatrice faisait elle référence à l’Américaine Marin Alsop, une des premières femmes cheffes d’orchestre à faire une carrière internationale. Agée de 66 ans et ancienne élève de Leonard Berstein, elle dirige, depuis 2019, l’orchestre symphonique de la radio de Vienne (Radio Symphonic Orchestra Wien). Récemment, elle faisait parler d’elle à l’occasion de la sortie du film Tár, déclarant : « Sur beaucoup d’aspects, Tàr semblait s’inspirer de ma vie. Mais après l’avoir visionné […] j’ai été offensée : en tant que femme, en tant que cheffe d’orchestre, en tant que lesbienne ».

« L’être de fiction Lydia Tàr est magnétique et peut même intégrer la galerie de personnages fictifs qui accompagne votre psyché »

Sans s’étendre sur la polémique, disons simplement que le film Tár est une magistrale dénonciation des dérives du pouvoir, de l’impunité dont jouissent souvent les personnes qui en abusent et de l’emprise néfaste qu’elles exercent parfois. Ce film est en fait assez féministe, puisqu’il attribue à une femme disposant d’un pouvoir colossal les mêmes dérives qu’un homme ! Enfin, Cate Blanchett y interprète une cheffe d’orchestre plus vraie que nature, une gageure tant ce métier est technique, fonctionnant avec ses propres codes. Que son personnage soit sympathique ou antipathique importe peu. L’être de fiction Lydia Tàr est magnétique. Elle vous accompagne durablement et peut même intégrer la galerie de personnages fictifs qui accompagne votre psyché, ce qui est bien là la force d’un grand film.

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Un programme sans originalité
Marin Alsop (c) Grant Leighton

Fort de ces éléments, on pouvait alors se demander : allait-on assister à un concert dirigé par une femme froide et ne pensant qu’à sa posture de chef ? Quel rapport allait-elle installer avec l’orchestre, la salle, les œuvres ? Un rapport finalement assez simple et sans surprise : d’un pas énergique et tout sourire, Marin Alsop s’est dirigé vers son estrade, s’est saisi de sa baguette -fabriquée par son père, d’après Wikipedia– et a attaqué, sans préavis, la pièce d’ouverture du programme, Heliosis, de la jeune compositrice autrichienne Hannah Eisendle. Si sa musique est de bonne facture, avec une orchestration bien distribuée, Heliosis se distingue surtout par un conformisme de bon aloi. A la baguette, Alsop s’est révélée un peu en retrait, plutôt suiveuse que meneuse de l’orchestre, qui, visiblement, connaissait son sujet.

De manière également assez conforme, un concerto pour piano a succédé à cette introduction contemporaine, en l’occurrence le 24ème de Mozart. Et là, patatras, grosse erreur de casting, avec le choix de confier la partie de soliste à la Vénézuélienne Gabriela Montero. Sous ses grandes mains à l’attaque verticale, les subtilités et le relief de la musique de Mozart sont devenus des ribambelles de notes lourdes, à la limite de la maîtrise technique. La cadence de soliste a brillé par sa brièveté et même l’orchestre et la cheffe semblaient gênés.

Quand un bis évite le bide
RSO Wien, Gabriela Montero (piano)

Par contre, Gabriela Montero a mis le public de la Grande salle de concert Pierre Boulez dans sa poche, avec un bis vraiment original et réussi. Tranquillement, micro à la main, elle a expliqué qu’elle aimait improviser, qu’elle avait improvisé la cadence de soliste et qu’elle allait improviser un bis à partir d’une proposition musicale venant de la salle. Quelqu’un a chantonné le début de l’Internationale, mais elle n’a pas semblé le reconnaître. Une autre personne a alors entonné sol fa# sol sol# la mi sol sol, puis sol fa# sol sol# la do si, autrement dit, le début de Mon manège à moi c’est toi, d’Edith Piaf. C’est très impressionnant que, dans cette acoustique de rêve, une voix perdue au milieu de plusieurs centaines de personnes se fasse entendre aussi aisément, permettant à la pianiste sur scène de reprendre au clavier ces deux séquences musicales. S’en est alors suivi un très beau moment musical, proche d’une improvisation à l’orgue, fait d’un flot harmonique riche et régulier, contrasté dans les registres et les intensités, et prouvant les qualités musicales et humaines de Gabriela Montero.

Quand le cœur n’y est pas

Retour au conformisme avec la suite du programme, à savoir une symphonie romantique, ici la 7ème de Dvořák. Dans cette symphonie, le compositeur tchèque est parvenu à canaliser son style rhapsodique et sa fertilité mélodique en maîtrisant la construction, à l’instar d’un Brahms ou d’un Wagner. La musique est belle, généreuse, gourmande et avance d’un geste sûr. Par contre, le geste a été moins sûr chez Marin Alsop. Si elle a porté à certains passages une attention particulière, mettant notamment en valeur la petite harmonie (flûtes, hautbois, clarinettes et bassons), elle a semblé souvent absente, avec une battue mécanique et sans âme.

Le bis orchestral, Pussy – (r) – Polka, de Gerhard E. Winkler, mix improbable de danse de salon et de musique de fanfare, était à l’image de cette soirée : un peu vite expédié et sans véritable engagement. Dommage.

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