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À l’écran : Au coeur de la danse

DANSE (À l’écran) – Capté le 23 juillet 2022 lors des Nuits de Fourvière à Lyon, le spectacle « The Brutal Journey of the Heart » est proposé en streaming sur le site d »Arte. Une occasion de se plonger dans l’univers étonnant de Sharon Eyal et Gai Behar. Amateurs de contemporain, allez-y !

The Brutal Journey of the Heart, késako ?

Ce spectacle est le dernier volet de la trilogie Love Cycle conçue par les chorégraphes israéliens Sharon Eyal et Gai Behar. La musique est d’Ori Lichtik ; la danse, effectuée par sept danseuses et danseurs de la compagnie L-E-V ; les costumes, enfin, sont de Maria Grazia Chiuri (Dior). 

Le spectacle est disponible jusqu’au 22 juillet en intégralité sur Arte.tv

Éloge de la sobriété 

La mise en scène brillait par sa pureté formelle. En tout, trois paramètres essentiels sur lesquels la chorégraphie jouait : sons, lumière, et gestes. Pas de décors, pas d’intermèdes, pas de texte, pas d’écran géant. Une performance livrée d’un bloc, sans pauses. Un récit rhapsodique continu, puissant, riche, évocateur, profondément simple dans son sujet, redoutable dans son exécution. Imaginez sept danseuses et danseurs, habillés d’une tenue moulante couleur chair, ornée de motifs plus ou moins abstraits (et surtout, d’un cœur stylisé, rouge, au niveau dudit organe). Imaginez une scène noire, terriblement noire, à l’exception du halo de lumière artificielle provenant des spots, et qui génère selon les moments une lumière orange chaude, ou froide légèrement bleue. Imaginez enfin une succession de tableaux illustrant le passage tumultueux des passions. 

Intelligence du protéiforme 

Le spectacle s’ouvre sur un solo entraînant, sur fond de musique latino-pop-rock aux accents faussement joyeux. Toute l’ambiguïté du scénario est déjà posée : le corps semble enfermé dans l’hésitation entre dandinement insouciant et nervosité fiévreuse. Cette première scène, mimant tantôt l’étouffement, tantôt des échos de danse de couple, se fait peu à peu plurielle. Six corps, bientôt sept, sur scène : la plupart du temps synchronisés, ils laissent parfois l’un des membres s’isoler. Les styles se mêlent de manière admirable. L’amateur en danse se perd avec délice dans le chaos des influences chorégraphiques, invraisemblablement multiples. Le spectacle est beau et fluide. La bande-son, avec ses touches électro-synthé-pop (musique « trance » si on veut être exact), et surtout ses ostinatos rythmiques (motifs répétés), invite le spectateur à participer à cette transe hypnotique. D’autres ambiances musicales s’installent au cours du spectacle : on pourra entendre de l’harmonica sur de la country, ainsi que des extraits de chants africains – et même un très bref moment de comédie musicale avec ses figuralismes. 

Sonder le cœur 

En 50 min, c’est une histoire qui nous est narrée, dont la trame est fondée sur une alternance d’ambiances d’abord visuelle : chaude / froide / chaude / froide. De fait, la danse vient contredire peu à peu la symbolique initiale de ces couleurs, et révéler que les choses sont plus complexes qu’il n’y paraît. Le premier moment est insouciant, sans l’être complètement. Nous avons parlé des danses de couple en solitaire ; vient ensuite une parade énergique et démonstrative, au cours de laquelle on exhibe poings et torse, qui débouche sur une phase où les rythmes se resserrent, où les gestes sont plus appuyés, plus profonds. Les corps qui semblent retenir sereinement le déchaînement d’une éruption passionnelle commencent à se toucher. Le travail du rythme semble vouloir approcher notre BPM, mais confine à l’angoisse quand le CD de la bande-son semble rencontrer des rayures et se répète frénétiquement.

Puis arrive cette lumière plus blanche, plus crue. Les corps sont meurtris, douloureux. Le groupe est en formation serrée. On joue sur les pointes, avec des tremblements et des arrêts sur image. Tout semble saccadé. A la musique, cette fois, les notes tenues et dissonantes d’un chœur électronique. On regarde vers la lumière qui vient d’en haut. Les corps sont isolés, pris dans une autre transe. Est-ce que la troupe finit par mimer la folie ? Ou est-ce un dédain moqueur ? Bras et jambes se dressent de plus en plus. Il y a une étreinte, mais elle rapproche en éloignant, et les autres danseurs se font l’écho de cette paradoxale tentative. Ici encore, le discours n’est pas univoque : on observe malgré tout un premier porté, pile au moment du retour de la musique du début. Des duos se forment, même s’ils se défont. Les bras verrouillent le corps, qui reprend sa parade, mais avec des gestes plus angoissés. 

La lumière chaude revient alors. Plus que jamais, la mise en scène affirme son intention de trouver la pulsation intime du corps. Les basses, profondes, déformées, se font de plus en plus lentes. Se met en place à cet instant une étreinte collective, haletante et passionnée. Nouvelle parade, cette fois sous la forme d’une adoration, bras et jambes en étoile, qui donne lieu à de magnifiques plans de la troupe alignée debout, dans la longueur de la scène, face au public. On entend des samples de rire. 

À lire également : La Belle au bois dormant de Marcos Morau

Alors, me direz-vous, que peut bien apporter la scène finale, quand revient la couleur froide ? On ne sait le dire, au début. Il y a le retour de cette solitude, avec seulement deux corps sur scène, pris dans un mouvement élancé qui rappelle le début. Mais il y a encore ces suffocations, et ces tremblements. Alors on attend un peu. La légèreté et l’insouciance finissent par rejaillir et s’imposer. Par son humilité, la fin se montre encore plus touchante que le reste. Ces dernières minutes du ballet se font sur le titre Mysterious girl (Insecure Men), et les derniers battements sont ceux d’une danse solitaire.

Vous vous demandez quand, enfin, nous allons vous donner notre interprétation de ce ballet du sentiment amoureux ? Vous pensez bien ! A vous de l’investir comme vous le voulez – après tout, les histoires de coeur sont universelles, non ?

Le spectacle est disponible jusqu’au 22 juillet en intégralité sur Arte.tv

Crédit images : Stefan Dotter pour Dior, Théâtre National de Chaillot

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