AccueilA la UneMozart et Gluck : copains d'avant, héros du jour

Mozart et Gluck : copains d’avant, héros du jour

CONCERT – Lundi 17 avril, dans la grande salle Pierre Boulez de la Philharmonie de Paris, l’orchestre des Arts Florissants a interprété, sous la direction de William Christie, une anthologie savamment concoctée d’arias de Mozart et de Gluck, ainsi que de ballets extraits de plusieurs de leurs opéras. Se sont donné la réplique avec une perfection irréprochable la soprane Véronique Gens et la mezzo Léa Desandre.

De l’Iphigénie à l’Idoménée : tout un parcours en musique

Combien existe-t-il de formations instrumentales capables d’interpréter avec une aussi intense précision les nuances diaprées et opalines du miracle mozartien ? Les Arts Florissants renouvellent, depuis près de quarante-cinq ans, l’émerveillement prodigieux que provoquent, chez l’auditeur novice ou averti, la beauté et l’harmonie de ces airs impérissables. Cette fois-ci, c’était pour nous ressusciter la rencontre musicale de deux génies de la partition : Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) et Christoph Willibald Gluck (1714-1787).

Le programme conçu par William Christie, à la tête des Arts Florissants, nous a conduits sur les traces de la parenté tangible entre les œuvres des deux compositeurs. Avec son Idoménée (1781) et sa Clemenza di Tito (1791), ses deux opera serie (l’opéra sérieux, par opposition à l’opéra bouffe, héritier des traditions de la commedia dell’arte), le compositeur viennois s’était en effet engagé dans une voix musicale nouvelle, résultat de l’expérience de ses premières entreprises opératiques (comme Mitridate, Rè di Ponto, en 1770 et Il Rè pastore, en 1775), et concrétisation, pour ainsi dire, de la synthèse entre les influences des styles allemand, français et italien. L’orchestre y devient un personnage à part entière de la scène musicale, au même titre que les héros du drame. En contrepoint ont répondu ici aux innovations mozartiennes certains extraits magnifiques des opéras de Gluck, dans une broderie variée de thèmes mythologiques, interprétés par Véronique Gens et Léa Desandre.

Le miracle des Arts Florissants, ou le spectacle de M. William Christie

Imaginez plutôt la scène : dans son costume sur mesure, ses Louboutin cirées et ses chaussettes de pourpre cardinalice, William Christie rejoint d’un pas assuré et joyeux le pupitre sombre de la scène. Il ne prendra d’ailleurs pas la peine de le consulter. Il a, sur le visage, le sourire facétieux du Figaro de Beaumarchais, et l’élégance d’un héros des Nozze.

William Christie : un faux air de Michael Caine, non ? ©Vincent Pontet

À mesure que les violons déchaînent avec fureur leurs envolées chromatiques et solennelles dans l’ouverture d’Idoménée, où l’on entend tous les cris (c’est, étymologiquement, une sym-phonie !) de la mer déchaînée, le chef reproduit avec grâce chaque mouvement des harmonies qu’il accompagne de ses mains. En réalité, chacun de ses gestes, d’une grâce et d’une souplesse instinctives, semble appeler et créer la musique ; comme si, dans le prolongement de ses bras, de ses doigts, il épousait de chaque instrument le rythme, l’allure, le caractère. Dans les amples respirations du Larghetto, d’Idoménée, il apaise du bout des doigts la mesure furieuse de l’ouverture ; il épouse, dans la « Chaconne » de l’Armide, le mouvement dansant des violons et des violoncelles ; il sautille d’avant en arrière, comme le Papageno de la Flûte enchantée, dans le « Ballo pizzicato » du Paride e Elena de Gluck ; et il nous émeut aux larmes en exaltant les déchirants soupirs de l’ « Aria di Pantomimo » d’Alceste.

Une réussite vocale

Pourtant, tout avait failli fort mal commencer. Bien assis dans son siège, et attendant le début de la représentation, le public entend, comme un couperet qui tombe sur la tête d’un condamné, la voix du micro lui annoncer que Véronique Gens est souffrante… mais qu’elle assurera malgré tout la représentation. Malgré les toussotements réguliers qui la saisissent, malgré l’éprouvante fatigue qui se devine sur son visage, elle réussit à poser sa voix. Elle sait en moduler les divers accents : déterminée et menaçante dans l’aria « Enfin il est en ma puissance » (acte II de l’Armide de Gluck : Armide s’apprête à tuer Renaud, mais tombe amoureuse de lui), triste et accablée dans l’air « D’une image hélas trop chérie » (Iphigénie en Tauride), inébranlable et tragique dans « Ah ! si la liberté me doit être ravie » (Armide). Alors que sa voix menace de s’éteindre, le courage de la soprane est digne de celui des personnages qu’elle interprète : d’une princesse romaine, troyenne, spartiate ou mycénienne, elle possède la clarté comme la dignité.

À lire également : La playlist de Léa Desandre

Léa Desandre, quant à elle, était l’étoile de cette représentation. Pas une fois, dans les duos de La Clémence de Titus ou les extraits de Paride ed Elena, sa voix ni son élocution ne flanchent. La connivence des deux chanteuses, leur sourire, leur talent, sont récompensés par une longue ovation, dans un vrai moment de communion musicale, sous les regards affectueux et complices de William Christie.

Véronique Gens et Léa Desandre : private joke ? ©Vincent Pontet

Somme toute, ne nous montrent-elles pas que la grandeur héroïque des héros d’opéras et de tragédies trouve en la virtuosité rayonnante de deux voix qui se nourrissent et se répondent sa plus probante et sa plus humaine interprétation ?

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