AccueilA la UneBeethoven à Beaune : Schubert ferme la marche

Beethoven à Beaune : Schubert ferme la marche

COMPTE-RENDU – Pour clore le festival Beethoven de Beaune, son directeur artistique Sung-Won Yang met la main à la pâte avec le trio Owon pour proposer un programme Schubert dans une interprétation brillante à la lanterne magique. 

Du tonneau à la tona

Créé en 2018 grâce à la rencontre du violoncelliste sud-coréen Sung-Won Yang et du vigneron bourguignon Frédéric Mugnier, le festival Beethoven de Beaune propose chaque année un programme riche de musique de chambre avec des musiciens exceptionnels (Quatuor Danel, Quatuor Modigliani, Christophe Coin…). Pour cette cinquième édition, le programme a mis à l’honneur les grands maîtres des XVIIIe et XIXe siècle. Bach, Mozart, Beethoven, puis Schubert pour terminer ce long week-end riche en émotion avec le trio en si bémol majeur op.99, Notturno D. 897 en mi bémol majeur et le trio en mi bémol majeur op.100. Le trio Owon composé d’Olivier Charlier (violon), Sung-Won Yang (violoncelle) et Emmanuel Strosser (piano), est habitué du festival mais sa présence en ce 23 avril enchante particulièrement la salle de la lanterne magique. 

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Schubert 18 carats

La confiance mutuelle et l’amitié des trois musiciens se ressent dès les premiers instants de musique, qualité qui joue beaucoup sur la luminosité de leur interprétation. Le trio chante à voix égales avec un souffle de liberté communicatif. Dans le premier mouvement de l’op. 99, les musiciens se partagent la mélodie dans un premier thème joyeux tandis que le second thème laisse planer un mauvais pressentiment. Le deuxième mouvement qui commence par un chant magnifique joué par Sung-Won Yang repris délicatement par Olivier Charlier, laisse place au rêve, les troisièmes et quatrième mouvements sont plus espiègles et dansants. Dans un caractère virtuose affirmé les musiciens s’amusent sur scène, et c’est un plaisir partagé. Ils retrouvent leur sérieux dans le Notturno D. 897 en nous proposant une interprétation intime, hors du temps. Le public est tenu en haleine alors que la tension de ce petit bijou de Schubert monte en puissance.

Le trio Owon : Olivier Charlier, Emmanuel Strosser, Sung-Won Yang ©Michel Joly – Festival Beethoven à Beaune
Lumière, avant la nuit

Schubert compose ses trio op.99 et op.100 en 1827 seulement un an avant sa mort précoce, et ces œuvres semblent porter en elles à la fois le grand optimisme du compositeur mais également ses angoisses, qui apparaissent alors comme un présage funeste. C’est avec un grand respect que le trio Owon s’attaque à l’opus 100, page majeure dans l’histoire de la musique (entendu entre autres dans le Barry Lindon de Kubrick). Les musiciens témoignent pendant ces dernières minutes de musique d’une maturité forte de leurs grandes carrières et de leurs talents. Emmanuel Strosser fait montre d’une grande tendresse musicale pendant le premier mouvement, tandis que Sung-Won Yang joue le célèbre thème du deuxième mouvement avec une grande clarté émotionnelle. Entre moments d’agitations et de plénitude intemporelle, le trio embrasse cette musique de Schubert inspirée d’une chanson folklorique suédoise, dans laquelle on retrouve les octaves qui accompagnaient les paroles « Adieu », comme une triste prémonition. 

Pendant tout le concert, le trio est comme seul sur scène pour partager des souvenirs plus ou moins lointain, et le public n’est alors que l’oreille privilégiée qui se tend pour les écouter. Avec des « bravos ! » fervents dès la fin de la première partie, ce final du festival met l’eau à la bouche pour la prochaine édition annoncé du 4 au 7 avril 2024 avec un programme ouvert sur l’Est (Janecek, Smetana…) et une nouvelle création. À suivre…

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