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Décès de la compositrice Kaija Saariaho : la force immense de la douceur

HOMMAGE – Vendredi 2 juin 2023, à l’âge de soixante-dix ans, la compositrice finlandaise Kaija Saariaho s’en est allée, « paisiblement dans son lit, à son domicile, à Paris », comme l’annonce un communiqué de sa famille. Figure majeure du répertoire contemporain, c’est par la poésie et la douce puissance de ses pièces qu’elle laissera une trace indélébile dans l’histoire de la musique. Comme quoi il n’est point nécessaire de hurler pour se faire entendre…

Le communiqué de sa famille est à son image : pudique et digne tout en disant l’essentiel. Un essentiel cruel, ici, puisque les deux dernières années de la compositrice auront été consacrées à lutter contre des tumeurs au cerveau particulièrement agressives et incurables. Deux ans, toujours selon la déclaration de son mari et de ses deux enfants, durant lesquels elle se sera battue, avec la forte détermination qui la caractérisait, pour ralentir autant que possible l’évolution de la maladie et vivre pleinement.

Déclaration de sa famille, suite au décès de la compositrice Kaija Saariaho

Née en 1952 à Helsinki, elle étudie, enfant, le violon, le piano, l’orgue et la peinture. Adolescente elle se forme à la prestigieuse Académie Sibelius (Helsinki). C’est là qu’elle participe à la création, en 1977, de Korvat Auki (Les oreilles ouvertes), pour défendre et importer la musique contemporaine. On y retrouve, parmi les co-fondateurs, Magnus Lindberg ou encore Esa-Pekka Salonen. En 1982 elle s’installe à Paris, afin de suivre des cours de composition à l’Ircam, l’Institut de Recherche et de Coordination Acoustique Musique. Elle y découvre, pour s’y attacher à jamais, les mystères de la musique spectrale, qui travaille à l’intérieur du son et de sa résonnance. Elle aime explorer ce qu’elle appelle l’« axe timbral », dans lequel « une texture bruitée et grenue serait assimilable à la dissonance, alors qu’une texture lisse et limpide correspondrait à la consonance ». 

Jours d’été, Kaija Saariaho – Maîtrise de Radio France, direction Morgan Jourdain

La nature et la poésie sont toujours très présentes dans son œuvre. Prenez True fire, pour voix de baryton et orchestre. Les extraits de texte, qu’ils soient du poète palestinien Mahmoud Darwish, du poète irlandais Seamus Heaney, du philosophe américain Ralph Waldo Emerson ou encore en tewa, langue d’une communauté autochtone amérindienne, parlent tous, selon la compositrice elle-même, de « notre être, entouré par la nature, notre perception de celle-ci et la manière dont nous en formons une partie » :


Elle aime également travailler avec des interprètes en particulier, comme la soprano Dawn Upshaw ou le pianiste Emmanuel Ax :

Kaija Saariaho, Private Gardens, Dawn Upshaw (soprano)

Musique contemplative, pénétrante, élégante, mystérieuse, onirique… prenante assurément. Lyrique aussi, puis qu’elle signe 5 opéras et un oratorio (4 d’entre eux avec l’écrivain Amin Maalouf) :

Si tu t’appelles Amour, extrait de l’opéra L’Amour de loin, de Kaija Saariaho – Susanna Phillips (soprano), Orchestre du Metropolitan Opera, direction par sa compatriote Susanna Mälkki

Sa pièce Lichtbogen (Arcs de lumière) ouvrira le prochain concert de l’Ensemble intercontemporain, jeudi 9 juin à la Cité de la Musique (Paris). Écrite pour neuf instrumentistes et électronique en temps réel, elle évoque les aurores boréales, aperçues par la compositrice dans le ciel arctique. « En regardant les mouvements de ces lumières silencieuses envahir l’immensité du ciel noir, disait-elle, la musique a commencé à trouver sa forme et son langage » :


Puissent à présent les aurores boréales lui faire un berceau de lumière astral et spectral, elle qui ne vivait que pour et par la musique comme manifestation sensible de l’univers.

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