COMPTE-RENDU – Ce 8 octobre, l’Orchestre national de Cannes a présenté son programme Croisette – Opérettes des années folles au Théâtre du Châtelet. Une plongée fracassante dans un Broadway à la française.
Si la phalange cannoise est chez elle sur la Croisette, avec ses concerts au Palais des Festivals et des Congrès, 1 boulevard de la Croisette, et aux Arlucs (Auditorium des Arlucs, Cannes-la-Bocca), elle emprunte également les routes de la région PACA, et il lui arrive même de pousser jusqu’à la capitale. Cinq mois après que le Tout-Paris du cinéma y soit descendu, les musiciens de l’Orchestre de Cannes ont pratiqué le chassé-croisette inversé, en partant à l’assaut du Théâtre du Châtelet, avec son programme Croisette – Opérettes des Années Folles.
La Croisette ? Sa muse !
L’Orchestre remonte le temps, d’un siècle exactement, pour interpréter un répertoire d’opérettes des années 1920-1930. Un âge d’or de la comédie musicale française (parfois franchement franchouillarde assumée) qui résonne avec l’âge d’or des comédies américaines qu’a connu le Châtelet (et qu’il remet à l’affiche avec 42nd Street en cette fin d’année).
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Très vivante et souriante, sur le plateau comme en salle, l’ambiance de la soirée continue de franchement « dépoussiérer » ce répertoire qui assume un esprit léger, ne rougissant pas devant des calembours très « à peu-près », des blagues et jeux de mots bien en-dessous de la ligne de flottaison mais le tout dans une bonne humeur communicative.
Les textes, les œuvres et les compositeurs sont présentés par le chef d’orchestre Benjamin Levy avec tant de sympathie et de petites anecdotes, que ces glorioles du siècle dernier deviendraient presque des amis proches, des potes potaches qui nous demanderaient de les appeler directement par leurs prénoms, afin de ne pas oublier qui est Raoul (Moretti), Momo (Maurice Yvain ou Moïse Simons) ou encore Riton et Dédé (Henri Christiné et André Messager). Et les titres des œuvres sont toutes plus aguicheuses les unes que les autres : Ta bouche et sa suite Pas sur la bouche, Trois jeunes filles nues, Passionnément !, J’adore ça !, Dédé et Ciboulette.
Yes, we Cannes !
Ce même esprit de gaudriole règne sur le plateau où est installé l’orchestre, dans le format concert qui pourrait devenir en un clin d’œil un plateau télévisé d’antan, si Jacques Martin sortait par magie d’une coulisse. Devant eux, les chanteurs se suivent sans se ressembler mais en sachant assembler leurs voix.
Toutefois, hélas, le résultat acoustique de la soirée est une grande déception. Parce que les artistes ont fait le choix téméraire de ne pas être amplifiés par des microphones (et en l’absence ne serait-ce que de panneaux acoustiques), les flux et reflux sonores des instruments restent réverbérants et lointains, et les textes souvent inintelligibles dans cette grande salle qui ne diffuse pas de sur-titres ce soir. Pauline Sabatier a beau déployer son allure, Jean-Christophe Lanièce de grands gestes, et Amel Brahim-Djelloul des accents d’époque, les (jeux de) mots boivent la tasse.
Les textes ne passent que lors de moments d’éclaircies orchestrales profitant au ténor Rémy Mathieu, ou encore avec le déploiement lyrique de la soprano Marion Tassou, du ténor solaire de Philippe Talbot et du grand numéro final de Patricia Petibon et Laurent Naouri.
des blagues et des jeux de mots bien en-dessous de la ligne de flottaison, le tout dans une bonne humeur communicative
Qu’à cela ne tienne, les artistes ne se découragent jamais et gardent le cap jusqu’à bon port, applaudis et rappelés par le public.
Les auditeurs, pour comprendre ce qu’ils ont entendu (et les autres), peuvent toujours piquer une petite tête dans Croisette, Opérettes des Années Folles, album disponible sur tous les gramophones modernes (en disque ou en streaming) depuis le 23 septembre dernier chez Warner Classics.
