AccueilA la UneÇa roule des mécaniques au Teatro Colón !

Ça roule des mécaniques au Teatro Colón !

COMPTE-RENDU – Autour du Ballet mécanique de Fernand Léger et George Antheil, un programme décoiffant, à grands coups de ventilateurs, fait salle comble et comblée au Teatro Colón de Buenos Aires.

Teatro Colón, Buenos Aires (Argentine) – © Sébastien Vacelet

La grande salle du Teatro Colón, à Buenos Aires (Argentine), vénérable et paisible institution qui sait toutefois surprendre son monde, n’en revient toujours pas. Les 35 mètres de largeur de la scène ne sont pas de trop pour accueillir tout un attirail formé par deux pianos à queue, d’innombrables percussions et trois ventilateurs gros comme des moteurs d’avion qui, on s’en doute, ne servent pas à rafraîchir l’atmosphère ! Sans compter la présence d’un écran géant en toile de fond, où sont projetés simultanément Entr’acte de René Clair, sur des mélodies délicieusement suintantes de Cinéma d’Érik Satie (1924), une vidéo d’Alexis Moreano Banda sur le film dadaïste de Hans Richter Ghosts Before Breakfast (1928), homonyme de l’inquiétante création mondiale de Sebastián Rivas (2022, en présence du compositeur), ainsi que le film de Fernand Léger accompagnant les truculentes et savantes bizarreries de George Antheil dans leur Ballet mécanique (1924-25). La Fantaisie mécanique d’Unsuk Chin (version de 1997, première argentine) est le seul univers musical sans support visuel de la soirée. Le titre est suffisamment éloquent pour souligner l’extrême cohérence du programme.

À lire également : Philippe Boesmans, note finale
Prensa Teatro Colón / Maximo Parpagnoli

Drôles de machin(e)s

La fantaisie – y compris dans le sens inquiétant du terme en allemand – est le trait d’union de ces œuvres musicales et cinématographiques couvrant un siècle de création décalée et expérimentale. Si les séquences mélodiques cycliques et répétitives de Satie, tantôt lancinantes, tantôt épico-sentimentales, résonnent à merveille avec les danses absurdes et le ballet comique du quotidien des images de René Clair, c’est musicalement que le principe de superposition opère dans la Fantaisie mécanique de Chin.

Il s’en échappe l’esthétique semi-onirique d’un dormeur mal éveillé par des espèces rythmiques sonnantes et trébuchantes. Ghosts Before Breakfast déploie de son côté une mise en abyme troublante (et troublée), entre deux supports visuels eux-mêmes en dialogue avec la musique sombre et mortifère de Rivas, faite de grésillements et de crépitements, comme des pas de fantômes foulant un parquet dans une atmosphère d’outre-tombe. Le film de Fernand Léger, sur une musique de George Antheil, s’apparente, quant à lui, à une entreprise de déconstruction de l’académisme, par des visions auditives hallucinatoires, les bruits industriels et échos renvoyant à l’esthétique du Futurisme, entremêlé de jazz ragtime. Ce n’est pas tant une divagation absurde qu’une divagation de l’absurde lui-même. 

L’ambiance délirante du Ballet Mécanique de Fernand Léger

Mécaniques de précision

C’est l’extrême attention portée à la précision de l’interprétation des différentes pièces qui frappe les esprits. La cheffe Rut Schereiner oriente et diligente la précision rythmique sur les œuvres de Chin, Rivas et Antheil, encourageant du regard des percussionnistes parfois soumis à rude épreuve, tant la tension pour tenir le tempo peut parfois sembler contraignante et, physiquement, épuisante. La concentration est extrême du côté des exécutants, les trois pilotes d’avion-ventilateur, pour le Ballet mécanique d’Antheil, plantant leur baguette dans les pâles des moteurs simultanément et sans bouger à la façon d’automates parfaitement réglés et figés.

La conception, l’organisation et l’exécution de cette soirée dingo-mécanico-dada témoignent d’une impressionnante et peu commune démonstration de force. Le public ne s’y trompe pas, acclamant chaleureusement les mécanos, leur cheffe et leur drôle de ballet contemporain.

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