AccueilA la UneSvetlana Andreeva en récital salle Cortot : la victoire en jouant

Svetlana Andreeva en récital salle Cortot : la victoire en jouant

COMPTE-RENDU – La pianiste ukrainienne, en exil, Svetlana Andreeva a fait ses débuts parisiens ce 21 novembre 2022 salle Cortot dans un récital virtuose mené tambour battant, rappelant tout ce que peut l’art : pas de quoi gagner la guerre mais assurément remporter une bataille culturelle.

Artiste d’abord (exilée ensuite)

Nombreux étaient venus ce soir salle Cortot animés d’une solidarité envers le peuple ukrainien, pour entendre et soutenir la pianiste Svetlana Andreeva originaire de Crimée, formée au Conservatoire Tchaïkovski de Moscou.

Mais les toutes premières notes du concert, et toutes les autres, confirment immédiatement et assurément que le public n’applaudit pas une “artiste exilée”, mais cette Artiste, en exil.

Ce n’est que parce qu’elle n’est pas encore connue de l’Hexagone (et encore seulement de qui n’a pas encore apprécié ses prestations en vidéos), que Svetlana Andreeva s’impose ce soir parmi les “Nouveaux Virtuoses” (nom par ailleurs de l’association soutenant ce concert, encourageant jeunes artistes dans leurs carrières et jeunes publics à s’intéresser au classique).

Virtuosissima

Le vertige étourdissant que produit le jeu de la pianiste viendrait alors presque faire oublier que le plaisir du spectateur ce soir, à admirer cette artiste pour la première fois en France, serait dû à la situation tragique l’ayant chassée de chez elle. Culpabilité d’autant mieux chassée que la présence de Svetlana Andreeva ce soir est due à une autre présence, double : la présence en salle du compositeur français Christian Schittenhelm… et sa présence d’esprit ! Il l’a en effet invitée en janvier dernier (le mois précédant l’invasion) à enregistrer ses œuvres : un album a été gravé à Berlin, les deux concertos pour piano Air et Wild le seront en janvier prochain à Glasgow avec le Royal Scottish National Orchestra sous la direction de Sergey Neller, chef allemand d’origine russe et mari de la pianiste ukrainienne.

“Gris-Cerise” est le premier morceau de Christian Schittenhelm interprété durant le concert

Russie et Ukraine au programme

Le concert soliste parisien de ce soir paraît de fait comme un carrefour de tout ce parcours avec un engagement qui ne peut que conquérir le public : l’engagement de ce jeu, l’engagement de ce programme divisé en deux parties. La musique contemporaine résonne tout d’abord avec une série de dix pièces signées Schittenhelm (celles de Christian mais avant cela, une Divagation d’Aylwin Schittenhelm, son fils).

La seconde partie réunit ensuite des pianistes-compositrices allemandes (Fanny Mendelssohn et Clara Wieck-Schumann), le Français Debussy et l’Américain Gershwin. Elle réunit aussi les Russes et l’Ukrainien Alexandre Scriabine, Sergueï Rachmaninov et Viktor Kossenko : rappelant que la culture russe n’est l’ennemie de personne et combien les compositeurs russes ont souvent été les premiers victimes de leurs dirigeants politiques.

À lire également : La playlist de la rédaction pour la paix en Ukraine

Svetlana Andreeva interprète ici le Prélude opus 23 n°7 de Rachmaninov, elle jouait le n°5 au concert

Impossible donc de ne pas rendre les armes devant un tel programme, a fortiori ainsi interprété dans une fougue universelle, balayant le clavier d’une tempête d’accents dont chacun est délié mais pleinement martelé. La finesse des doigts cache bien le jeu de la pianiste qui puise dans les muscles de son dos (paraissant pourtant tout aussi frêle) une énergie à percer et exploser toutes les parois des cœurs et de cette acoustique heureusement résonnante mais précise.

Une Ukrainienne à Paris

Le programme a été choisi sur mesure pour la pianiste, chaque morceau déployant et enchaînant, sans répit aucun, une virtuosité superlative, que l’artiste assume pleinement. De la fougue virtuose culminant avec Rachmaninov, surgissent des thèmes tendres et nostalgiques (notamment les Jardins sous la pluie de Debussy qui dessinent en filigrane « Dodo, l’enfant do » et « Nous n’irons plus au bois », un procédé que reprend savamment Christian Schittenhelm dans ses pièces). Mais même ces comptines et thèmes restent caparaçonnés par la puissance du jeu, et Un Américain à Paris de Gershwin croise des SUV et poids lourds plutôt que des klaxons des années 1920.

La douceur attendra peut-être la fin de la guerre, mais la pianiste finit par esquisser un sourire à la fin du récital et le poing qu’elle met sur le cœur en guise de salut finit par s’ouvrir sous les acclamations du public absolument conquis.

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