AccueilÀ l'écranOdyssée des derniers et des premiers hommes, à Flagey

Odyssée des derniers et des premiers hommes, à Flagey

CONCERT – A l’occasion du Klara Festival qui occupe la scène bruxelloise depuis le début du mois de Mars, Flagey invite son public à un format d’écoute inhabituel mêlant science-fiction et musique, par l’image. Au programme, une projection du docu- fiction Last and First Men de Jóhann Jóhannson soutenue par la baguette de Viktor Orri Árnason à la direction de l’orchestre du Brussels Philharmonic.

Présenté et interprété dans sa version musicale par le BBC Philharmonic en 2017 lors du Festival International de Manchester, Last and First Men est ponctué de tableaux vivants en noir et blanc 16mm. Amorcé en 2018, ce film est le dernier projet de Jóhann Jóhannson (décédé en cours de réalisation) et a été complété par l’artiste sonore Yair Elazar Glotman. Emprunt d’une forme moderne du Romantisme, le film exprime la beauté d’un individualisme contemporain, fait d’auto-détermination et d’errances.

Les premiers et les derniers : une histoire du futur proche et lointain

Publié en 1930, Le roman d’Olaf Stapledon Last And First Men imagine l’histoire de notre humanité depuis l’époque de son auteur jusqu’à des milliards d’années dans le futur. Roman d’anticipation et de spéculation futuriste, ses premiers chapitres décrivent un futur proche imaginé dans l’entre-deux guerres des puissances européennes. Un combat prolongé entre l’Amérique et la Chine et finalement l’établissement d’un État mondial. Les chapitres suivants couvrent des périodes plus étirées et abstraites figurant les êtres humains qui évoluent vers de nouvelles espèces (18 espèces au total) qui finissent par quitter la Terre pour s’installer en dehors du système solaire.

Chef d’œuvre de science-fiction classique, Last And First Men : A Story of the Near and Far Future, s’impose comme une clé historique de la lecture d’anticipation qui aura marqué l’esprit de ses lecteurs, jusqu’à trouver en Jóhann Jóhannson une lecture musicale complexe.

 Le génie de Jóhann Jóhannsson

Célèbre pour les compositions musicales des films Sicario, Arrival (Premier Contact), Prisoners et Mandy, Jóhann Jóhannsson a dirigé Last and First Men avant de décéder prématurément. On se souvient de la bande-son de Mandy, film extrêmement violent qui réussit à trouver en la musique une lecture parallèle et sublime. Ce film a aussi permis de révéler un Nicolas Cage complètement démentiel et inhumain face à un secte sans pitié qui assassine sauvagement sa femme.

Autre fait marquant de la carrière de Jóhann Jóhannsson, la bande son du film Arrival de Denis Villeneuve. Toujours dans le thème de la science fiction, le film raconte l’histoire d’une linguiste américaine chargée d’établir un premier contact avec les passagers d’un mystérieux vaisseaux extraterrestre. 

Last And First Men

Cette installation artistique de science-fiction existentielle représente une méditation monochrome sur la vie humaine et son (in)signification dans un univers indifférent. Présentant les structures commémoratives brutalistes de l’ex-Yougoslavie, le conte futuriste prend des allures de balades flottantes dans un monde appauvri de son humanité, gris et pourtant sublime.

Un aperçu du travail d’image de Last and first men
Invitation islandaise aux grands espaces

Le film s’éloigne en grande partie de la narration du livre en se concentrant sur les derniers instants de l’histoire, lorsque les êtres humains réalisent leur inévitable disparition et envoient un message à travers l’espace. Avec Tilda Swinton en voix off, ce message est accompagné de la musique de l’Islandais Jóhannsson, mêlant sons électroniques et acoustiques qui nourrissent l’image. Le thème reste tristement contemporain, le spectateur faisant face à l’éternelle incapacité de l’homme à cohabiter avec l’espace qu’il habite. Fresque écologique et survivaliste, « Last and First Men » caresse l’idée d’un monde privé (ou libéré de ses hommes), calme et serein. Tilda Swinton décrit la réalité d’un futur froid, joignant avec prosodie la ligne musicale.

Pendant ce temps, la caméra parcourt les étranges structures en béton qui ont remplacé la présence de l’humanité, maintenant installées sur Neptune après que la Terre a été engloutie par le Soleil. La couleur n’apparaît pas dans le film, il reste le noir et blanc contemplatif qui rappelle « La Jetée » de Chris Marker, son rapport au temps et ses chemins sinueux. Johansson étant islandais, il est facile de voir dans sa musique une contemplation des paysages à perte de vue, et la solitude face aux espaces silencieux.

Viktor Orri Árnason ©Maximilian Koenig

À la direction du Brussels Philharmonic, il est fort probable que Viktor Orri Árnason soit plus connu en Islande pour sa contribution dans le groupe de jazz/rock indépendant Hjaltalín, mais il s’investit également dans un projet plus personnel. Récemment, il a eu l’opportunité de collaborer avec son compatriote et musicien berlinois Yair Elazar Glotman pour un projet musical plus intime autour de la création d’un album intitulé « Vast ». Ils se retrouvent aujourd’hui pour présenter l’opus de Jóhann Jóhannsson. Ensemble, ils explorent leur passion pour la notion de temps, d’espace ouvert et hors des réalités. On comprend alors la dynamique qui anime les deux musiciens, dont l’esprit colle tout à fait au projet de Jóhann Jóhannsson : aucune représentation vivante ne subsiste, seuls les longs plans noirs et blancs de structures architecturales autrefois érigées à la gloire du passé, aujourd’hui significatifs d’abandon et d’échec. Viktor Orri Árnason se tient debout face à l’orchestre, casque audio sur les oreilles, afin de recevoir un résultat de la musique perçue et modelée sur la tablette son de Yair Elazar Glotman.

Le temps est large, tout autant que la musique qui le dessine sur la scène du Studio 4 de Flagey grâce à l’orchestre philharmonique de Bruxelles. Les notes et l’éthéré joignent le silence des plaines, étirant les sons qui alignent les voix des deux solistes, Else Torp et Kate Macoboy. La voix transformée et étiré, un effet de duplication apparait alors en temps réel, donnant l’illusion de choeurs féminins. Musique du grand écran et des grands espaces, « Last And First Men » réussit à connecter l’homme à l’infiniment grand grâce au procédé musical d’étirement des lignes. Jusqu’à leur disparition…

En une heure de temps cette expérience musicale réussit à élargir la vision du public, et soigner la Terre qu’il possède encore.

Last and First men est à retrouver en streaming sur les plate-formes Deezer, Spotify et Quobuz

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